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Actualités, Événements

 


Les propositions de contribution (10 lignes de présentation avec qualités, adresse administrative et courriel) sont à transmettre d’ici le 12 mai 2024 à l’adresse suivante : contact@institutpourlapaix.org


Réponse aux propositions : 31 mai 2024.

Prise en charge transport (France-pays limitrophes) et hébergement sur place par l’organisation du colloque. 

Le pacifisme au XXIe siècle

Depuis que la guerre est de retour sur le sol européen en 2022 (puis au Moyen Orient en 2023 et ailleurs en Afrique depuis plus longtemps), et offre sa catastrophique réalité aux yeux du monde, parler de paix semble de plus en plus délicat, sinon inaudible.

Or, si le pacifisme part de la conviction que « la guerre n’est pas une fatalité et qu’il semble possible moralement et rationnellement, d’y mettre fin ou à défaut, d’en atténuer la fréquence et les néfastes conséquences » (Questions internationales), ce courant couvre en réalité de nombreuses postures et perspectives. Pour René Rémond (1984), le pacifisme peut être entendu comme sentiment (être pacifique) et comme mouvement (les pacifismes), les deux versants se réunissant ou pas en fonction des circonstances, donnant à voir un mouvement pour la paix fort diversifié, formant un courant de croyances et d’idées souvent relié au système politique dans lequel il se déploie. Si le mot « pacifisme » est attesté dans la langue française depuis les années 1840 et constitue une position bien enracinée dans le paysage politique, il existe d’emblée au pluriel et plusieurs positions idéologiques se font face en son sein. À un pacifisme d’orientation religieuse, s’ajoutent rapidement les oppositions à la guerre inspirées par le libéralisme politique et surtout économique, avant que des pacifismes socialistes, puis communistes ne voient le jour (Cooper), donnant lieu à plusieurs classifications (Kotovchikine S. in Mekhantar J. et Porteilla R.). Si toutes ces positions se caractérisent par une opposition commune à la guerre, elles divergent sur des nombreux points : la composition sociale de ces mouvements, les interprétations des causes de la guerre, les modes d’action politique (Van der Linden).

Or, différents acteurs politiques avec des orientations idéologiques fort différentes peuvent se rejoindre dans une opposition commune à la guerre, ce qui peut témoigner du fait que la paix tend à devenir une valeur politique en soi. Il y a donc lieu de penser que cela constitue une invention politique assez récente, puisque jusqu’au XIXe siècle, il a encore été possible de se prononcer ouvertement en faveur de la guerre et de lui attribuer une valeur intrinsèque (R. Rémond). Ainsi, si Kant est avant tout connu pour son texte sur la Paix perpétuelle, il considérait également la guerre comme une nécessité pour l’humanité́, la culture, la liberté́, ainsi que pour la cohérence sociale (Conjectures sur les débuts de l’histoire humaine, dans Opuscules sur l’histoire, trad. Stéphane Piobetta, Paris, GF Flammarion, 1990, p. 161).

Il semble évident que de telles positions n’ont plus guère cours de nos jours et personne ne se déclarerait plus ouvertement en faveur de la guerre et contre la paix. Au mieux, la guerre peut-être une malheureuse nécessité pour défendre des biens plus élevés. Il s’ensuit que la discussion sur la guerre et sur la paix tend à être déterminée par une discussion sur les valeurs politiques plus généralement. En témoigne le fait que de nombreuses organisations pacifistes associent la paix à un autre vocable, censé spécifier de quelle paix on parle : paix et liberté, paix et démocratie, paix et justice, etc. En bref, la paix s’articule habituellement à d’autres valeurs politiques, ce qui implique également qu’il peut y avoir contradiction entre les différentes valeurs.

Dans la mesure où les mouvements pacifistes[1] ont généralement placé leur engagement dans le domaine de la bataille des idées politiques, ils ont joué un rôle non négligeable dans la production des savoirs des différents domaines, tels que la guerre, les armements, les dynamiques conflictuelles, les risques d’escalade et de résolution pacifique des conflits par l’arbitrage ou la médiation, sur la paix ou la sécurité humaine, sur la culture de la paix (David Adams), etc. En bref, les mouvements pacifistes ont constitué tout au long de leur histoire un formidable laboratoire d’idées et de savoirs.

Le colloque entend aborder la question du pacifisme au XXIe siècle à travers plusieurs axes, ce qui n’exclut pas de prendre en considération d’autres époques historiques. Sont particulièrement bienvenues les contributions qui lisent le présent à la lumière d’expériences passées.

Conformément à la vocation de l’Institut pour la paix qui est de constituer un espace de rencontres et de traduction entre différents types de pratiques, la participation d’acteurs issus de champs autres qu’universitaires est particulièrement encouragée (notamment de la société civile, du monde des associations, de la sphère de l’activisme, de l’engagement religieux, mais aussi du monde politique, de l’administration, etc.).

Acteurs et modes d’action politique. Dans une perspective à la fois historique et contemporaine, il s’agit de déterminer les différents types d’acteurs en faveur de la paix et leurs modes d’action politique et publique. Outre les instances gouvernementales et militaires, ce sont en particulier les organisations internationales et les associations transnationales qui entrent en jeu ici. Par ailleurs, le pacifisme est souvent organiquement lié aux mouvements sociaux, tels que le syndicalisme, le féminisme, l’écologie politique, etc. Cet axe s’intéresse à ces différents acteurs, individuels et surtout collectifs, leur composition sociologique, la vision qu’ils ont d’eux-mêmes et donc de leur engagement politique. En particulier, cet axe interrogera les rapports entre pacifisme et non-violence.

Idéologies. Le militantisme en faveur de la paix peut se combiner avec de multiples engagements idéologiques (religieux, libéraux, socialiste, etc.), ce deuxième axe s’intéresse plus particulièrement aux idéologies pacifistes, mobilisant les outils de la théorie et de la philosophie politiques, de l’histoire intellectuelle et d’analyse du discours, ainsi que l’enracinement de ces idéologies dans différents cultures politiques.

Faits et valeurs. L’engagement en faveur de la paix est inséparablement lié à des valeurs politiques. Si celles-ci sont un aspect fondamental des idéologies politiques et donc de l’axe 2, la question se pose également de manière réflexive à propos des recherches sur la paix et sur les pacifismes. Ce sera l’occasion de revenir sur des questions classiques comme la fameuse « Wertfreiheit » wébérienne, la responsabilité éthique des chercheurs, ou la question de savoir si on peut séparer les registres descriptifs et normatifs.

Les perspectives du mouvement pacifiste. Tout au long de son histoire, les mouvements pacifistes ont inspiré des recherches et contribué à la production de savoirs, le colloque sera l’occasion de revenir vers cet aspect fondamental à la lumière des débats actuels sur les recherches participatives, les « sciences citoyennes », voire la démocratisation des savoirs. Quels rapports y a-t’il entre universitaires et chercheurs professionnels d’un côté et la production des savoirs dans les différentes sphères non-académiques de l’autre ? Seront par exemple (et sans exclusive) sollicités les travaux et recherches sur l’économie de la paix, l’éducation à la paix, etc.

Bibliographie indicative

Adams David, UNESCO and a Culture of Peace : Promoting a Global Movement, UNESCO 1995, (https://www.culture-of-peace.info/adams.html)

Bellamy Alex, J., World Peace (and how we can achieve it), Oxford, Oxford University Press, 2019.

Bois Jean-Pierre, La paix. Histoire politique et militaire (1435-1878), Paris, Perrin, 2012.

Burde Dana, Le vieux pacifisme et la nouvelle guerre, Association vacarme, n°18, 2002/1, p.26-30.

Castillo Monique, La question du sens : le pacifisme d’aujourd’hui à l’âge des guerres nouvelles, Armée de terre, Inflexions, n° 4, 2006/3, p. 199-208.

Ceadel Martin, The Origins of War Prevention: The British Peace Movement and International Relations 1730-1854, Oxford, Clarendon Press, 1996.

Cooper Sandi E., Patriotic Pacifism: Waging War on War in Europe, 1815-1914, Oxford, Oxford University Press, 1991.

Cortright David, Peace : A History of Movments and Ideas, Cambridge University Press, Cambridge, New York, 2008.

Defrasne Jean, Le pacifisme en France, PUF, Paris, 1992.

Defrasne Jean, Le pacifisme, Que sais-je ?, PUF, Paris, 1983.

Ghervas Stella, Conquering Peace from the Enlightenment to the European Union, Cambridge MA, Harvard University Press, 2021.

Guieu Pierre, Le rameau et le glaive, Les militants français pour la Société des Nations, Paris, Presses de Sciences-Po, 2008.
Guieu Pierre, Gagner la paix 1914-1929, coll. « Histoire de la France contemporaine », vol. 5, Paris, Editions du Seuil, 2015, rééd. Points Histoire, 2018.

Hippler Thomas et Vec Milos (dir.), Paradoxes of Peace in Nineteenth Century Europe, Oxford, Oxford University Press, 2015.

Les Cahiers de la Méditerranée, Du pacifisme à la culture de la paix, n° 91, 2015.

Mekhantar Joël et Porteilla Raphael, Paix et constitution, Eska, Paris, 2014.

Mellon Christian, Muller Jean-Marie et Sémelin, Jacques, La dissuasion civile, Paris, Fondation pour les Études de Défense Nationale, 1985

Muller Jean-Marie, Vous avez dit pacifisme ? de la menace nucléaire à la défense civile non-violente, Cerf, Paris, 1984.

Paquot Michel, Le pacifisme en question face à la guerre en Ukraine, https://magazine-appel.be/IMG/pdf/8-9_pacifisme_michel_p_versioin_longue.pdf


Questions Internationales, La paix, illusions et réalités, n°100, sept-déc. 2019.

Rémond René, Le pacifisme en France au 20e siècle, Autres temps, Les cahiers du christianisme social, n°1, 1984, p. 7-19.

Recherches internationales, La paix comme objet d’étude, (dossier), n° 125, janv-mars 2023.

Santamaria Yves, Le pacifisme, une passion française, Armand Colin, Paris, 2005.

Van der Linden Wilhelminus, The International Peace Movement, 1815-1874, Amsterdam, Tilleul, 1987.

Comité scientifique

Porteilla Raphaël, Professeur science politique, Université de Bourgogne

Dubernet Cécile, Professeur relations internationales, ICP Paris

Hippler Thomas, Professeur Histoire, Université de Caen, directeur de l’IPP

Lema Silva Laura, Docteure en études hispano-américaines, Responsable des Études à l’IPP

Adams David, Professeur, Coordinateur du Culture of Peace News Network, Unesco

Forey Elsa, Professeure droit public, Université de Bourgogne

 

[1] A titre d‘exemple : le Mouvement de la Paix, Pax Christi, Initiatives pour la Paix, l’Union pacifiste de France, le MAN.