Les Européens dans les ports en situation coloniale, XVIe-XXe siècle

Recension rédigée par François Bellec


            Cet ouvrage est le premier fruit d’un projet de recherche consacré à l’étude des ports en situation coloniale, c’est-à-dire des implantations portuaires outre-mer des puissances coloniales, depuis le XVe siècle jusqu’aux décolonisations du XXe. Cette réflexion avait l’ambition d’embrasser tous les empires européens. Elle a fait l’objet de longues discussions jusqu’à faire émerger en principe des problématiques structurantes, ce qui n’apparait pas clairement dans le cours de ce livre.

            La première constatation est en effet  que cet ouvrage assemble des textes lourdement annotés, souvent titrés selon l’agaçante manie universitaire de présenter la contribution non pas comme une conclusion mais comme une question ouverte : « Un chaînon manquant impérial ? » « Relais, bases et ports coloniaux militaires : une projection mondiale à l’époque moderne ? » « Les ports coloniaux des îles du Pacifique, miroirs déformants des sociétés européennes ? » Il s’agit donc d’une manière d’actes de colloque, d’un assemblage de fonds de thèses, d’études de cas ponctuels disjoints, plutôt que d’une synthèse de travaux concertés. Sa conclusion reconnaît d’ailleurs avec modestie qu’il s’agit en réalité d’un travail préparatoire à une réflexion originale.

            Je conviens qu’il s’agit clairement d’un travail très en amont. L’ouvrage aborde en effet des sujets dont la cohérence et l’utilité voire la justification restent à démontrer. Ils nous révèlent qui plus est des informations pour le moins convenues : fragilité des réseaux coloniaux en période de conflits, rôle déterminant de quelques grands armateurs de caractère dans la frilosité étatique, importance des bases navales outre-mer dans la projection de puissance, déclin de Saint-Denis de la Réunion en raison de la fin de l’économie de plantation et du trafic corrélatif de main d’œuvre captive, manque d’enthousiasme des peuples océaniens devant l’arrivée des missionnaires, des militaires et des premiers aventuriers européens, importance du volet protecteur médical issu de la médecine navale, dans l’implantation européenne outre-mer.

            Tout cela est très sympathique, mais il reste encore beaucoup de travail aux concepteurs d’un beau projet pour assumer son ambition. Un bon bout de chemin. Rien moins que s’aventurer hors de l’histoire confortable franco-française, plutôt régionaliste voire locale, pour aboutir à une étude comparative, différentielle, de la gestion de la France coloniale au regard des empires précurseurs à peine effleurés. Celui des Portugais de Goa jusqu’en Chine, des Espagnols en Nouvelle Espagne jusqu’à Manille, des Hollandais à Batavia et aux îles Banda, des Anglais du grand empire des Indes. Le sujet pluridisciplinaire et multiple est immensément riche et vaste. Entendre le cerner définitivement est ambitieux. Bon voyage.                                                                                  

 



 
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