L'Afghanistan, une aventure géopolitique française

Recension rédigée par Alain Lamballe


            Le titre de l’ouvrage est trompeur. Il laisse entendre que la France a mené une grande politique à l’égard de l’Afghanistan. Il n’en est rien. Certes, notre pays s’est intéressé relativement tôt à l’Afghanistan dans deux domaines essentiellement, l’éducation et l’archéologie. Mais il n’a jamais eu de vision stratégique dans cette région du monde qui fut dominée par les Anglais et les Russes. L’auteur qui a passé vingt-cinq mois en Afghanistan en convient.

            Dans l’Afghanistan d’aujourd’hui, la France est peu présente. L’auteur nous dit que les opportunités de coopération existent, en particulier dans les domaines de l’électricité et des travaux publics. Mais les réalisations françaises restent rares. Charles Natale note à juste titre que c’est par ses idées et ses institutions que la France intéresse l’Afghanistan. Et de fait, des juristes français ont contribué à la rédaction de constitutions afghanes. Louis Fougère collabora à la préparation de la constitution de 1964. Guy Carcassonne participa à l’élaboration de la constitution de 2004, toujours en vigueur. Depuis 2005, la mission juridique française forme à l’université de Kaboul des parlementaires et des magistrats. Aucune allusion n’est faite à un autre spécialiste français, Rousseau, qui, selon certaines sources, aurait étudié les fondements juridiques de la ligne Durand.

            On aurait aimé aussi que soient décrits avec plus de précision les parcours des personnalités afghanes formées par notre pays. La France a créé deux établissements scolaires à Kaboul, le lycée Istiqlal pour les garçons et le lycée Malalai pour les filles. Ils accueillent les enfants de l’élite afghane.

            La délégation archéologique française en Afghanistan a été créée en 1922. En travaillant sur des fouilles de l’ancien Khorasan, elle a contribué à une meilleure connaissance du passé. L’auteur mentionne l’action de la dernière chance conduite par l’ambassadeur Lafrance, grand spécialiste du monde musulman, qui n’a pu sauver les bouddhas de Bamian de la destruction par les talibans.

            L’auteur a vu la France et l’Amérique en guerre. Notre pays, nous dit-il, a œuvré comme il l’a fait dans ses anciennes colonies, en mettant le sort des populations au centre de ses préoccupations. Notre action s’inscrit dans la ligne des officiers comme Gallieni et Lyautey. Le livre Contre-insurrection, théorie et pratique du lieutenant-colonel Galula, a suscité l’intérêt de généraux américains. Écrit en anglais, publié aux États-Unis en 1963, il n’a été traduit en français qu’en 2008. Fruit de ses expériences en Indochine et en Algérie, l’ouvrage est resté longtemps inconnu des officiers français, pourtant écrit par l’un des leurs. La participation de la France à la coalition internationale en Afghanistan s’est achevée en décembre 2014. L’auteur ne cache pas que les talibans  sont réapparus en Kapisa et Surobi où opéraient les troupes françaises, victimes de lourdes pertes (89 soldats tués et 700 blessés). Le piètre état des forces de sécurité afghanes ne lui a pas échappé. L’auteur affiche son pessimisme sur l’avenir du pays rongé par la corruption et le népotisme alors que les insurgés progressent. Une partition du pays ne lui paraît pas impossible, les Pachtouns pouvant être tentés par une sécession.

            La plus grande partie du livre ne concerne pas les relations franco-afghanes. L’ouvrage décrit par bribes l’histoire de l’Afghanistan, ses ethnies, ses langues, son système politique, son économie. Il n’omet pas de signaler la culture du pavot.

            Quelques erreurs sont à déplorer. L’auteur mentionne à tort (page 86, note 98) que le Pakistan est le premier pays chiite du monde ; en fait c’est l’Iran. Et les quelques lignes consacrées aux cours d’eau indiquent (page 198) que la rivière Harirud rejoint la mer d’Arabie alors qu’elle se perd par un cheminement endoréique dans le Turkménistan.

            Le livre de 300 pages se lit parfois difficilement. Le style est ampoulé, les phrases sont longues. S’y ajoutent des fautes de dactylographie. Le plan manque de visibilité. Le texte est décousu. Les digressions sur des sujets très divers n’ayant parfois rien à voir avec l’Afghanistan sont nombreuses. En définitive, le livre n’apporte guère d’éléments nouveaux sur ce pays en crise.                                                                                                     



 
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