| Auteur | François Momal |
| Editeur | Erick Bonnier |
| Date | 2025 |
| Pages | 156 |
| Sujets | Égypte Roman policier XXIe siècle |
| Cote | 69.819 |
L’auteur dans son Banc de la victoire recensé dans ces colonnes en 2020 avait évoqué la période qu’il avait passée en Égypte, adolescent, alors que son père l’Ambassadeur Jean-Marie Momal y était en poste. Ce qui avait frappé le jeune homme, c’était le mépris des dirigeants à tous les niveaux hiérarchiques pour les citoyens les plus pauvres et leur indifférence pour le sort et même pour la vie d’autrui. Le « bawab », « gardien d’immeuble » est au Caire, au bas de l’échelle sociale.
Dans le même immeuble déjà décrit, une enquête est menée sur le meurtre, dans son appartement, d’un officier copte de haut rang, Matta Kassam, devenu « héros » pour avoir permis à l’armée égyptienne de traverser en 1973 le Canal de Suez (p.53). Dans ces circonstances, il avait été auparavant signifié au concierge Tarek, qui d’ailleurs l’admirait beaucoup, de cesser de surveiller ce locataire populaire (p.29). Or, inquiet de ne pas le voir pendant une semaine, Tarek pénètre chez lui et le découvrant mort prévient au téléphone le Commissaire Youssef Charif, son tyrannique « patron ». Ce dernier qui a sans doute des instructions précises, fait porter de nuit le corps à la morgue (p.69). On apprendra plus tard que cet évènement tragique aurait pu gêner, s’il était révélé au grand public, les tractations secrètes de paix et de recouvrement du Sinaï occupé par Tel Aviv (p.142). En agissant ainsi, le petit commissaire de quartier aura laissé le temps aux autorités compétentes pour préparer la version officielle (p.77) du héros tué dans un accident de voiture (p.87).
Parmi les autres locataires, le professeur de gymnastique de nationalité italienne, Lorenzo Casarotti vivait depuis longtemps en Égypte (p.21) et comptait parmi ses élèves M. Gahon, l’un des rares citoyens juifs restés en Égypte, tailleur de métier (p.23). Tous deux, on l’apprendra plus tard, servaient de relais locaux du Mossad. D’ailleurs, après la mort de son voisin copte, Lorenzo, risquant d’être découvert, ses employeurs décidèrent de l’exfiltrer avec sa famille en Italie (p.149).
Pour tous, Tarek est le référent de l’immeuble autour duquel tout s’articule. C’est que le maillage des services de renseignement égyptiens repose en partie sur les informations fournies par les gardiens des immeubles sur les propriétaires et locataires. Mais ce métier les oblige à faire des choses qui ne sont pas reluisantes (p.93).
Ainsi, la participation de Lorenzo à l’assassinat de l’Officier copte avait été comprise par Tarek lorsque durant une de ses absences, il avait été vu une nuit par son neveu, qui le remplaçait, près de la porte du local où il dormait. L’Italien, pour en faire un double, avait ainsi pu s’emparer de la clé de l’appartement de Matta que le concierge détenait comme toutes les clés des appartements de l’immeuble. Tarek devenait ainsi le seul détenteur de la vérité concernant le meurtre du locataire copte (p.124).
L’auteur rappelle aussi les récriminations populaires contre la cherté de la vie, avec le slogan « gagner la guerre c’est bien, remplir les ventres, c’est mieux » (p72).
Ce peu de valeur accordée à l’homme est visible au pays des Pharaons. Ce n’est pas une secousse épidermique qui viendrait perturber le cours immuable du Nil coulant en majesté au pied des grands immeubles de la corniche (p.14). Tarek réfléchira dans ces conditions « que rien ne s’était passé et qu’il n’avait jamais vu le cadavre de l’officier ». Il se sera confié à son collègue de l’immeuble voisin, Younès, qui représente avec lui, dans ce livre, le petit peuple égyptien très pauvre et qui doit subir, sans doute depuis des millénaires, les caprices des nantis. « Les états d’âme des deux bawwabs ne pèsent pas lourd face au sens de l’Histoire » estime l’auteur (p.148) qui a eu raison de décrire, dans un roman policier plaisant et captivant, l’état des plus pauvres citoyens dans un pays totalitaire.