Le Père Duparquet : missionnaire ou explorateur ? : lettres et écrits. Vol. 1, Missionnaire ou explorateur : 1852-1865, l'obsession des colonies portugaises

Recension rédigée par René Tabard


Ce livre de 814 pages, publié aux Editions Karthala en 2012, présente le regard que le P. Duparquet, de la congrégation du St Esprit, a porté sur l’Afrique de 1852 à 1865.  Le P. Vieira, du même Institut, qui en fut le responsable des Archives durant de nombreuses années et qui a passé 44 ans en Guinée et au Sénégal, a parcouru la correspondance qu’il a laissée et qui s’intéresse plus particulièrement aux colonies portugaises, mais qui dépasse largement ce cadre.

            Né en 1830, dès sa jeunesse, le P. Duparquet voulut aller en Afrique, ce qui explique sa démarche vers une congrégation missionnaire, et son vœu se réalisera puisqu'il partira en 1855 à Dakar et au Gabon. Il reviendra en France en 1857.

            De la p. 25 à la p. 94 et de la p. 342 à la p.  483, le courrier est écrit à partir de  l'Afrique  (voyages) et presque totalement à partir du Gabon. On voit qu'il aimait, lors des escales sur les côtes africaines, voir comment vivaient les indigènes, les missionnaires et les colonisateurs. Mais ce sont surtout ses lettres composées au Gabon qui rapportent, non seulement ce sur quoi il est engagé lui-même, mais également et principalement l'analyse qu'il fait sur ce qui se passe.  

            De la p. 95 à la p. 342 et de la p. 483 à la fin, le courrier est écrit en France, ce qui représente près des 3/4 du livre. Ceci suppose énormément de recherches et de lectures qu'il a dû faire pour composer toutes ces lettres. Il s'intéresse plus particulièrement à l'Histoire de la colonisation sur les Côtes africaines, et cela depuis les débuts.

            Et comme le sous-titre du livre l'indique, "l'obsession des colonies portugaises", beaucoup de textes, - et c'est aussi vrai des lettres écrites du Gabon-, montrent que le P. Duparquet s'intéresse particulièrement à la colonisation portugaise et à la mission qui l'a accompagnée, notamment au Royaume du Congo.

            Difficile d'expliquer cette passion pour le Portugal, surtout qu'elle était déjà un souci pour lui avant son départ pour l'Afrique et qu'il voulait déjà apprendre le portugais. On comprend mieux cet intérêt à partir de son arrivée en Afrique, notamment au Gabon.

            Et cette vision se montre déterminante, puisqu'il insiste souvent auprès des responsables de sa congrégation pour qu'ils ouvrent des maisons de formation au Portugal afin de former des missionnaires pour qu'ils aillent en Afrique. A la limite,  l'Eglise catholique n'avancera pas sur le continent africain sans la venue des Portugais. Dans cette perspective, on peut également entendre toutes les lettres écrites pour la Propagation de la foi à Rome, et diverses instances de l'Eglise, souvent dans le but de décider d'option instituant les Portugais dans le royaume du Congo

            C'est sans doute dans cette perspective qu'il faut entendre le titre donné par le P. Vieira à ce livre : le P. Duparquet est-il un missionnaire ou un explorateur ?
Sous-entendu, son activité et ses prises de position sont-elles véritablement celles d'un homme d'Eglise préoccupé de l'extension de la religion catholique, ou faut-il voir en fait, derrière cette image de missionnaire, un homme préoccupé d'abord et avant tout de la colonisation à travers des orientations de nature politique dont la place donnée au Portugal? Difficile de répondre, chaque lecteur(rice) pourra se faire son idée. Personnellement, j'opterai pour les deux. En tant que missionnaire, il voir le succès de l'évangélisation à travers le Portugal. Si c'est difficile de savoir pourquoi, on pourrait penser que c'est peut-être à cause de la France et de la séparation entre l'Eglise et l'Etat, alors que le Portugal reste royal et catholique, quoiqu'il indique que les hommes politiques portugais ne sont pas unanimes pour la mission.  On pourrait ajouter qu'il parle aussi souvent de son "exploration" des graines, du cacao... au Gabon!

            Un autre aspect qui traverse tout le livre fort différent épistémologiquement, ce sont les dires personnels du P. Duparquet. Il livre la manière intime dont il vit les relations personnelles avec ses confrères, ses supérieurs, contestant leurs avis sur lui, insistant même sur les petites guerres de personnes. Il dit et répète combien il se trouve très mal à l'aise dans beaucoup de situations, sans remettre en question son engagement dans une congrégation missionnaire.  En ce sens, le livre n'est pas seulement une présentation d'un avis sur la mission en Afrique, mais également la vie personnelle d'un missionnaire, à travers la relation de ses joies, mais surtout de ses peines.  

            Dans cette logique, va se réaliser son désir personnel. Il repartira en Afrique centrale où d'ailleurs il mourra, en 1866, ce qui serait le sujet de plusieurs autres tomes à venir. Certainement que le P. Duparquet est parmi les gens de l'époque qui ont écrit le plus sur la vie en Afrique, tant au niveau culturel, social, économique, qu'au niveau missionnaire et politique.