La civilisation arabe du VIIIe au XIIIe siècle : son essor, ses apports

Auteur Farida Megdoud
Editeur Les Bons caractères
Date 2013
Pages 128
Sujets Civilisation arabe Histoire
Cote In-12 2373
Recension rédigée par Christian Lochon


L'éditeur de Pantin, sis dans la banlieue parisienne, « Les Bons Caractères » a lancé, dans un petit format, une collection intitulée « Histoire Éclairage » ; Madame Farida Megdoud s'est vu confier la rédaction de ce petit livre de 128 pages qui concerne l'essor de la civilisation arabe du VIIIe au XIIIe siècle.

C'est un exercice difficile de miniaturiser l'histoire du monde arabe au moment de son expansion vers l'Orient (Empire perse, Inde, Chine) et vers l'Occident (Empire byzantin, Andalousie, Sicile) ainsi que les apports culturels qui s'en sont suivi en Europe. On retiendra donc que la région arabe «  ce désert au contact du monde » était avant l'islam en liaison avec l'Empire byzantin, l’Éthiopie et l'Empire sassanide (de Perse) ; des tribus arabes christianisées, les Lakhmides de Hira, nestoriennes, alliées de l'Iran et les Ghassanides monophysites, auxiliaires des empereurs byzantins étaient installées en Mésopotamie et en Syrie. La Mecque était une étape caravanière importante entre le Yémen et la Palestine d'où l'on exportait l'encens largement consommé par les Romains puis par l'Eglise chrétienne occidentale ; Mahomet se servit de Médine, plus au nord, comme Cité-État où il promulgua le licite et l'illicite et organisa des razzias contre ses riches cousins ennemis, les Koréïchites ; lui succédèrent les dynasties omeyyade installée à Damas, puis abbasside qui créa Bagdad au nord de Ctésiphon-Babylone ; ces empires qui maîtrisaient l'eau introduisirent de nouvelles cultures, le riz, la canne à sucre et aussi le coton, créèrent une industrie du textile à base de soie. Des voies de communication, maritimes en Méditerranée, Mer Noire et dans l'Océan indien, terrestres avec les caravanes se rendant vers l'est par la Route de la Soie, vers le sud par le Sahara, relièrent des villes de plus en plus développées, Fustat en Égypte, Tolède, Cordoue en Andalousie, Fès (808) et Marrakech (1062) au Maroc, à la capitale califale , Bagdad (762), dont l'essor intellectuel attirait des savants de l'Inde, d'Asie Centrale et de tous les pays arabisés. Les traducteurs -médecins chrétiens étaient appréciés par les Califes et contribuèrent à aux découvertes scientifiques dans les domaines de l'astronomie, de la géographie, des mathématiques (chiffres arabes, algèbre), de la médecine (Le Canon d'Avicenne).

L'auteur signale avec justesse que la civilisation arabe avait su recueillir l'héritage culturel de Mésopotamie, de Perse, de l'Inde et de Byzance. Son influence allait rayonner par les relais d'Europe du sud, Sicile et Andalousie, vers toute l'Europe ; le Pape Gerbert (d'origine auvergnate) de l'an 1000, ayant étudié en Catalogne des manuscrits arabes, découvrit l'existence des chiffres arabes et les fit connaître à Bologne, où l'université les adoptera cent ans plus tard ; les commentaires d'Averroes (Ibn Rouchd) de Cordoue sur Aristote déclenchèrent des controverses philosophiques et médiévales parmi les clercs européens ; l'ouvrage de Copernic (1473-1541) Des révolutions des sphères célestes reprendra les démonstrations de l'astronome Ibn Ash-Shater (1304-1375)

Sans doute historienne de formation, Madame Megdoud est très réservée par rapport au message coranique ; ainsi, page 7, écrit-elle « Le Coran, recueil d'enseignements que Mahomet affirmait avoir reçus de Dieu » et « La nouvelle religion (l'Islam) devint une idéologie au service de la conquête » : page 22 «  Mahomet rendit public le fruit de sa réflexion la présentant comme une « révélation » que lui aurait apportée l'archange Gabriel des Juifs et des Chrétiens » ou « Issu du panthéon polythéiste arabe, Allah, dieu unificateur était promu au rang de dieu unique ». La laïcité à la française est bien appliquée dans ce petit manuel qui pourrait être utilisé au lycée ou en faculté.

En contrepartie, des attaques antichrétiennes sont ménagées ; page 12 « En 415, Hipatie, philosophe et mathématicienne d'Alexandrie fut assassinée par des fanatiques chrétiens » ou « les chrétiens causèrent la destruction d'une bonne partie des ouvrages de la Bibliothèque d'Alexandrie » ; il est vrai que , chez d'autres auteurs, la destruction de la Bibliothèque d'Alexandrie est attribuée aux envahisseurs musulmans ; peut-être faut-il être plus précis et éviter le terme « fanatique » dans un ouvrage à prétention historique. D'autre part, Madame Megdoud, évoquant les arabes de culture grecque qui furent au service des premiers Omeyyades, parle de la famille « Damascène » (page 35) ; elle veut sans doute parler de la famille de Damas, les Sarjoun père et fils, car c'est le petit-fils Jean qui, après avoir été ministre des finances, se retira dans un couvent, écrivit des ouvrages de théologie et on lui donna le nom de Saint Jean Damascène pour le distinguer d'autres Jean.

Page 27, l'auteure semble bien optimiste en affirmant que « dès 633, les troupes arabes étaient dotées d'un système efficace d'approvisionnement, d'une infanterie disciplinée, et d'une cavalerie peu nombreuse mais de qualité ».Les nomades arabes étaient sans doute de bons cavaliers, mais les fantassins venaient d'où ? Du Yémen ? Car ce n'était que dans ces montagnes non désertiques qu'on pouvait trouver une population assez dense ; quant à un système organisé d'approvisionnement, les chroniqueurs syriaques, dont les œuvres n'ont pas dû être consultées, se plaignent que les envahisseurs arabes pillent les récoltes et utilisent les réserves des paysans. Page 58, parlant des conditions de l'esclavage, on lit « Le sort des esclaves était en général meilleur que dans l'Antiquité ». Madame Megdoud sait-elle que quand elle évoque le marché d'esclaves de Zabid au Yémen, c'est la ville où les jeunes garçons africains étaient castrés pour servir d'eunuques dans les harems s'ils réchappaient de cette inhumaine opération ; d'ailleurs page 69, on voit bien que «  les révoltes sociales étaient endémiques », celle des Zanj, qui travaillaient dans les plantations de canne à sucre et dans les marais salants du sud irakien, dura quinze ans à partir de 869. Les esclaves dans les mines mouraient en masse. Page 82, le polémiste cité « Jariz » doit être « Jahiz », le plus grand prosateur arabe (775-869). Page 96, il paraît difficile que le poète iranien Omar Khayyam (1048-1131), également astronome, ait pu être le « disciple » d'Avicenne (980-1037). S'il y a une réédition, on peut espérer que toutes ces erreurs soient corrigées, surtout pour un public qui recherche la connaissance de base et qui peut ne pas continuer sa quête parmi les 17 ouvrages spécialisés sur le sujet qu'on trouve dans la bibliographie (pages 125 et 126)

Page 123, une utile chronologie collationne quelques dates-repères de 570 à 1453 ; page 126, le lecteur appréciera les titres de neuf romans ajoutés à la bibliographie historique, qui, effectivement, peuvent compléter une recherche plus accessible sur cette période qui a été souvent idéalisée par les historiens arabes.