L'anticolonialisme en France pendant la guerre d'Algérie

Recension rédigée par Jacques Frémeaux


Ce livre reproduit vingt-trois textes qui s’échelonnent presque tous entre décembre 1954 et décembre 1956, mois qui marquent l’entrée en guerre d’Algérie. Les auteurs de tous ces textes s’adressent à l’opinion française, à laquelle ils cherchent à communiquer trois convictions : la reconnaissance du fait national algérien qui rendrait vain le combat pour l’Algérie française ; la dénonciation des exactions de l’armée et de la police, qui déshonorerait le combat mené par la France ; la nécessité d’une négociation avec le FLN, seul moyen selon eux de ramener la paix. Les politiques gouvernementales se trouvent ainsi aussi fortement condamnées que les adversaires de l’émancipation de l’Algérie.

 L’ouvrage s’ouvre avec l’article de presse de Claude Bourdet « votre Gestapo d’Algérie », qui interpelle le Président du Conseil Pierre Mendès France et son ministre de l’Intérieur François Mitterrand ; il se termine par la lettre confidentielle adressée par le responsable de la Fédération socialiste d’Alger, Charles Ceccaldi-Reynaud, au Président du Conseil Guy Mollet, tout aussi accablant pour la politique menée au nom de la République. On notera aussi les copieuses contributions du commandant Vincent Monteil (sous le pseudonyme de François Sarrazin), qui abrégea sa collaboration avec le gouverneur Soustelle dont il désapprouvait la politique. L’ouvrage a aussi le mérite de reproduire la série d’interventions et messages prononcés au meeting du Comité d’action des intellectuels contre la poursuite de la guerre en Afrique du Nord (pp.160-273). On y retrouve les noms des dénonciateurs les plus célèbres de la politique de la IVe République (puis de la Ve), comme Daniel Guérin, Robert Barrat ou Jean-Paul Sartre. Le livre reprend aussi une réflexion intéressante du grand sociologue et islamologue Jacques Berque, peu après le 13 mai 1958. 

On peut évidemment trouver la période traitée un peu brève par rapport au titre annoncé, le combat contre la guerre d’Algérie n’ayant vraiment pris fin qu’avec la guerre elle-même. C’est en effet après 1956 que s’est développée la critique provenant des communistes français, ou le combat contre la torture animé par Pierre Vidal-Naquet, ou encore la critique réaliste de Raymond Aron. Mais le principal reproche qu’on puisse adresser à la maison éditrice de ce recueil de documents est de ne pas suffisamment présenter les textes proposés à la lecture en fonction des exigences scientifiques en la matière. Les références, qu’il s’agisse des recueils d’où sont tirés les textes, ou des numéros des revues, sont le plus souvent incomplètes, parfois même erronées, voire totalement absentes. On aurait aimé aussi que chaque texte fût situé et présenté séparément.

L’excellente préface de Sadek Sellam ((p.5-8) laisse le lecteur sur sa faim, et contient des éléments d’information qui auraient gagné à être placés en regard de chaque texte et sans doute développés.

Au total, ce livre constitue une première approche à laquelle on peut souhaiter d’être prolongée par des versions plus achevées.