Atlas des mondes musulmans médiévaux

Recension rédigée par Christian Lochon


Dans les sept chapitres thématiques de ce superbe atlas, nous distinguerons deux grands ensembles ; d’abord, l’histoire générale du monde arabe, à laquelle est associée l’expansion de l’islam et que commentent historiens, géographes, cartographes du monde musulman et, en parallèle, une description de chaque région, des principales villes et des peuples successifs qui s’en emparèrent tour à tour.

L’histoire du monde arabe commence par un rappel des entités politiques de l’Antiquité tardive (p.48), des langues régionales utilisées au VIIe siècle avant l’arabe, sémitiques comme l’hébreu, le syriaque, le copte, indo-européennes comme le persan, les langues dérivées du sanskrit, ou dravidiennes (p.50). Puis sont rappelées les conquêtes islamiques menées dans les empires byzantin et sassanide (p.56), rapidement réorganisés (p.58) par des dynasties arabes successives, les Omeyyades à Damas (p.62), les Abbassides de Bagdad (p.64), jusqu’à leur affaiblissement dès le Xe siècle (p.68). Ces califes résideront à Médine, à Damas puis à Bagdad et à Samarra (p.110). Le commerce international sera florissant par terre (p.250, 276, 288) et par mer (p.256), bénéficiant d’une monnaie stable d’or et d’argent (p.253, 282), de lieux d’étapes entretenus (p.76, 288), d’un développement de l’agriculture (p.280) et de l’industrie (p.238). Les « États latins » auront traversé l’histoire du Proche-Orient (p.80, 296). La peste noire sévira du XIVe au XVIe siècle (p.264), n’empêchant pas pourtant les relations commerciales avec l’Europe (p.260, 322) et la Chine (p.42).

Les auteurs évoquent les religions locales à l’arrivée de l’islam (p.55) qui, rapidement, va générer des guerres civiles ou « fitnas » et des schismes (p.60). Sont étudiés le pèlerinage, « hajj » (p.176,178), l’islam soufi (p.192), l’enseignement musulman dans les madrasas (p.199), l’administration des fondations cultuelles, « waqfs, habous » (p. 130) et l’architecture des mosquées (p.186).

L’activité des géographes du monde musulman est passionnante comme le montrent leurs cartes comme celle, mondiale d’Ibn Hawqal au Xe siècle (p.19) et celle de Qazvini (p.38) de la Turquie à l’Asie Centrale vers 1339, ainsi que les mappemondes d’Al Khawarizmi vers 830 (p.17) et d’Idrisi (p.27, 28) dont la carte de la Sicile est reproduite (p.27, 28). Ibn Fadlan découvre l’Asie Centrale en 921 (p.21), Ibn Jubayr parcourt toute la Méditerranée en 1183 (p.30) et le Marocain Ibn Battouta la Chine de 1325 à 1354 (p.35). Les œuvres d’Ibn Sina (Avicenne) de Boukhara (980-1037) sont toujours commentées (p.210) et les fables d’Ibn Al Muqaffa (m.756) intitulées Kalila wa Dimna toujours publiées (p.212).

Ces régions et villes du monde médiéval, présentées sous forme d’illustrations de grande qualité, le lecteur les découvrira avec intérêt. Ainsi, pour le Moyen-Orient, de l’Arabie à la veille de l’islam (p.52), des villes du Yémen, Zabid (p.180, 225), Aden (p.224), de l’administration égyptienne (p.58), des dynasties fatimide (p.77), ayoubide (p.88), mamelouke (p.90, 300, 302)), de la  ville de Fostat, (p.113, 118) qui a précédé Le Caire (p 118, 131, 138, 154, 232), des  relations commerciales égypto-indiennes (p.266) et égypto-byzantines sous les Mamlouks (p.314), des itinéraires commerciaux sur le Nil (p.274), des postes aux pigeons et aux chevaux à partir du Caire (p.294). L’organisation musulmane de la Syrie est évoquée (p.59) sous la dynastie ayoubide (p.89) et sous les Mamlouks (p.302). La ville de Damas est largement décrite (p.140, 162)) pour ses palais (p.149), ses fortifications (p.156), ses mosquées (p.190, 242), ses marchés (p.234) et caravansérails (p.236) ; Alep également (p.168, 312) pour ses fortifications (p.158). La Syrie du Nord constituait en effet un espace frontalier partagé avec Byzance (p.298, 304,306). Les villes de l’Irak jouèrent un grand rôle dans l’expansion de l’islam comme Koufa (112, 113), Samarra (p.120), Bagdad (p.132, 142, 144, 150) avec ses institutions soufies (p.194), ses madrasas (p.200) et ses communautés séparées chiites et sunnites (p.174). Jérusalem, ville juive, chrétienne, musulmane (p.170) fut occupée par les Mamlouks (p.136).

Les Turcs Seljouqides investirent l’Anatolie à partir du XIe siècle (p. 85)) ; trois siècles plus tard, la dynastie ottomane prendra son essor (p.105) et transformera les villes de Konya (p. 202), Bursa (p.227), Tokat (p.244).

La description de trois villes iraniennes, Isfahan (p.126,127)), Chiraz (p.204), Tabriz (p.215) est complétée par les lieux de pèlerinage chiites (p.172) et ceux des confréries soufies du Fars (p.196). L’essor turkmène donnera à Samarcande et à Herat au XVe siècle de vastes ensembles architecturaux (p.98). Merv (p.125, 228) en Asie Centrale, Ghazni (p.182) en Afghanistan, Delhi (p.82) et d’autres villes indiennes fortifiées, Tughluqabad et Daulatabad (p.160), Cambay, Ahmedabad (p.230) témoignent de la grande période musulmane. Les ports de l’Océan indien réexpédient vers Istanbul et l’Europe les céramiques chinoises (p.286). Les Mongols avec Gengis Khan et ses successeurs mirent à feu et à sang au XIIIe siècle l’Asie Centrale et menacèrent l’Europe (p.94) ; un siècle plus tard, la « paix mongole » dans le monde musulman contribua à développer les arts, les sciences les techniques (p.96) et aussi le commerce international (p.269) tandis que des relations diplomatiques étaient mises en place avec l’Europe (p. 316,318).

L‘Europe est présente dans l’ouvrage pour ses relations intraméditérranéennes (p.262) ou italo-maghrébines (p.320) ; l’Espagne, devenue provisoirement « Al Andalus », décrite par Al Razi (p.25), divisée par la religion (p.152, 308), morcelée au temps des taïfas (p.75) est connue pour ses lettrés (p.206) et ses cartographes (p.40), admirée pour ses villes, Cordoue (p.114, 220, 240) et Grenade (p.221). Les Arabes conquièrent la Sicile à partir de 827 (p.71), faisant de Palerme une cité islamique (p.117), célèbre pour la diffusion des céramiques (p.284). L’île est occupée par les Normands de 1072 à 1160 (p.78). En Russie du Xe siècle, le commerce fluvial sur la Volga est florissant (p.275).

Le Maghreb est présenté du point de vue de la régionalisation du pouvoir (p.73), de l’histoire des dynasties almoravide et almohade (p.87), de la littoralisation de l’espace islamique au Maghreb (p.254) sans oublier Kairouan (p.115), Tlemcen (p.184), Fès (p.184).

L’islamisation de l’Afrique subsaharienne (p.101) est soulignée par les routes transsahariennes (p.271), qui servaient au transfert des esclaves (p.278), les échanges avec l’Afrique orientale (p.270) et l’anéantissement des royaumes chrétiens de Nubie (p.310).

Le lecteur appréciera la richesse des annexes : le glossaire (p.326 à 331), les bibliographies particulières à chaque chapitre (p.332 à 350), l’index des toponymes (p.351 à 363), la présentation des 61 co-auteurs (p.365 à 369) dont 55 sont cités lors de leurs contributions, la sémiologie explicite (p.370, 371) et surtout les 185 cartes elles-mêmes, dont on consultera la table (p.373 à 375).