Un officier et la conquête coloniale, Emmanuel Ruault, 1878-1896

Recension rédigée par Josette Rivallain


   Ici, Paul Butel édite une grande part du journal qu’Emmanuel Ruault rédigea à la fin de sa vie, vraisemblablement autour de 1920-1924, racontant ses campagnes outre-mer de 1877 à 1896.

            Le père d’Emmanuel Ruault partit enseigner le français en Allemagne puis à Saint-Pétersbourg après la révolution de 1830. Là, il épousa la fille d’un autre émigré français. La famille revint en France, à Metz, où naquit Emmanuel. Devant l’invasion allemande, ce dernier se destina au métier des armes et fut reçu à l’Ecole Polytechnique en 1873. Il choisit de servir dans la Marine. Sa première affectation fut la Nouvelle Calédonie et la Polynésie (1878-1881/1894-1896), ensuite ce fut l’Afrique (1882-1891/1894-1896), Madagascar (1902-1906), l’Indochine (1907-1909).

            Il a été en service en pleine période de conquête coloniale et, très attaché à son corps, il regretta que les troupes de marine aient été rattachées à la Guerre en 1900. Observateur critique et nuancé de cette époque, il met en lumière des aspects que l’on cite peu, jugeant au mieux ses compagnons d’arme, observant d’un œil bienveillant les habitants des pays dans lesquels il fut appelé à servir.

            Il observa avec lucidité les échecs de certaines tentatives de colonisation, particulièrement en Nouvelle-Calédonie, les erreurs de l’administration, les rivalités et les mesquineries entre les hommes, tant dans l’armée française qu’entre les populations locales, tout particulièrement en Afrique de l’Ouest. Là, il juge que l’intervention française a permis de stopper les pillages et les mises en esclavage. Le général Ruault s’est intéressé de près aux bienfaits apportés par la colonisation, sans  une once de mépris, notamment dans le domaine de la santé, et dans le développement de l’économie, le tout s’exprimant avec beaucoup de franc-parler.

            Les pages se lisent agréablement, avec des descriptions précises des lieux, des gens, des circonstances, permettent de découvrir la personnalité d’officiers connus : Archinard, Marchand, mais aussi le fossé qui séparait sur le terrain le monde des officiers de celui des civils.