Leçons d'agriculture tropicale pour les savanes d'Afrique centrale

Recension rédigée par Clément Mathieu


D’entrée, on comprend avec le titre qu’il s’agit d’un ouvrage technique à destination des formations agricoles ainsi que le définissent les auteurs : "Un ouvrage destiné spécialement aux élèves des écoles d’agriculture et à leurs enseignants, aux agro-pasteurs et aux groupements de paysans".

Par rapport au titre" ... Les savanes d’Afrique centrale", on s’aperçoit rapidement que mis à part 10 pages consacrées au Tchad et à la République centrafricaine, tous les autres chapitres présentent des données techniques et économiques concernant uniquement le Cameroun, ce qui est un peu dommage.

L’ouvrage en dix parties et quarante-cinq chapitres est très bien illustré avec des photos de qualité et des schémas très utiles, ce qui confère à l’ouvrage sa vocation pédagogique indiscutable. Les sujets décrits sont bien ceux qui préoccupent les communautés rurales dans leurs activités journalières pour un meilleur développement de l’agriculture, une meilleure gestion de l’exploitation et par là même un meilleur progrès social.

Si cet ouvrage est le résultat d’enquêtes et de recherches détaillées sur le terrain, malheureusement les données en référence (ainsi que les citations bibliographiques) sont anciennes, on note extrêmement peu de données après 2001-2002. Or, depuis les choses ont évolué, par exemple les données sur les exploitations agricoles, la gestion de la crise du coton (particulièrement au Tchad), certainement aussi sur le marché des intrants.

Dans le chapitre "Marchés financiers et intrants agricoles" les auteurs citent en deux tableaux la liste des produits utilisés par les agriculteurs et la matière active contenue dans les produits sans aucun commentaire sur le niveau de toxicité et le risque sur la santé humaine et animale de ces matières. Ainsi l’Atrazine et le Paraquat sont interdits dans l’Union Européenne depuis respectivement 2003 et 2007 sans parler des excès d’utilisation du glyphosate et du risque aigu du Fipronil.

Dans la partie "Systèmes de culture", les auteurs posent la question de savoir comment un champ est fertile et utilisent à cet effet la présence ou l’absence d’indicateurs botaniques et faunistiques. Effectivement, c’est une bonne démarche facile et parfois efficace. Mais à ce sujet, ils occultent complètement les fonctions du sol et sa place dans la production alimentaire. La notion de fertilité, son rôle dans le cycle de l’eau et des éléments nutritifs, dans l’activité biologique tous ces aspects devraient faire ici l’objet d’une attention particulière et incontournable pour poursuivre par la suite avec la notion de rendement et du cycle de la fertilité.

Concernant le semis direct et l’usage de herbicides, par rapport aux références datées de 2000 et 2002, peut-être y aurait-il aujourd’hui des recommandations nouvelles pour améliorer cette technique ?

Une partie importante est consacrée à l’arboriculture avec le palmier dattier, le manguier, le ficus pour nourrir le bétail, la haie vive d’acacia ou de jatropha, et la gomme arabique. Viennent ensuite la protection du coton, les cultures du sorgho, du maïs, du riz, on parle des doses d’engrais chimiques mais jamais d’apport de fumier. Savent-ils que dans le sol, l’engrais chimique ne remplacera jamais la matière organique ? Après un chapitre sur le striga, viennent les cultures de l’arachide, du niébé et de l’oignon (pour ce dernier, une note sur l’utilisation du fumier).

Après une note sur l’élevage des chèvres et des porcs (mais rien sur la basse-cour), une importante partie est consacrée à la traction animale (presqu’un tiers de l’ouvrage) à un moment où les apprentis sorciers voudraient voir se développer la mécanisation thermique (tracteurs lourds, charrues multisocs, etc.) nous ne pouvons que nous réjouir de cette mise au point pour le développement d’une filière de petite mécanique agricole à partir d’une meilleure utilisation de l’animal. Dans ces pages, il est question de la nourriture de l’animal, de son état corporel, des forces de traction, du type de joug, du type de charrette, de la bonne utilisation de l’âne et de nombreux conseils pour la traction animale avec, de nouveau, de nombreuses photos et schémas, une documentation presque complète. Oui, nous disons presque complète parce qu’il a été oublié que l’animal, particulièrement pour les sols africains, est le meilleur fabricant d’engrais naturel et gratuit ! Un chapitre pourtant extrêmement important sur la production, la conservation et l’utilisation des fumiers manque malheureusement dans cet ouvrage. Quand les agronomes des savanes sèches africaines prendront-ils conscience de l’épuisement de plus en plus flagrant des sols tropicaux et de l’urgence de leur restauration par les fumiers, les composts, les engrais verts et l’agroforesterie ? Le sort de l’agriculture africaine se joue dans les toutes prochaines années.

L’ouvrage se termine par quelques pages concernant la technologie alimentaire avec le séchage des mangues, la fabrication de la poudre d’oignon, des tests d’acceptabilité (par les consommateurs) et de commercialisation et une annexe sur les mauvaises herbes.

En conclusion, un ouvrage pédagogique utile, bien illustré, bien documenté même s’il se limite essentiellement au Cameroun, mais malheureusement avec des aspects fondamentaux oubliés.