Idéologie coloniale et imaginaire mythique : la revue Kolonie und Heimat de 1909 à 1914

Recension rédigée par Josette Rivallain


            L’histoire coloniale allemande à la veille de 1914, et tout particulièrement l’idéologie, l’imaginaire mythique qui en sont inséparables, reste peu connue en France. Catherine  Repussard en dresse une présentation précise en deux parties, documentée grâceà une abondante bibliographie et à la presse de l’époque, après analyse de 250 articles de la revue Kolonie und Heimat, les classant par rubriques thématiques. L’ouvrage s’achève par un index très utile des noms propres. Elle ne mentionne pas les documents cinématographiques de l’époque, ni les dossiers des archives des pays concernés par la colonisation allemande.

            Au fil des chapitres se précise une idéologie liée au mythe du progrès indéfini, à la nostalgie des origines, sans que la conquête de territoires nouveaux n’apparaisse prioritaire. L’opinion des commerçants, des entrepreneurs travaillant avec et en Afrique semble peu compter. On réalise qu’à l’époque se constituait peu à peu l’idée d’une implantation coloniale portant les germes d’une Allemagne repensée et réinventée outre-mer, car l’Allemagne était alors perçue par les coloniaux comme sclérosée.

            Dans ce contexte, à travers les opinions de plusieurs penseurs de l’époque, tel Max Weber, l’auteur explicite mythes et utopies d’alors. Afin de continuer à paraître une grande puissance, l’entrée de l’Allemagne sur la scène impérialiste s’inscrit dans la suite logique de l’unification du pays. Le rêve de l’Empire colonial permettait aux Allemands d’imaginer une autre Allemagne.

La colonisation représente l’aventure, des possibilités de réalisations scientifiques et techniques, au service du développement indispensable de la métropole. Les colonies ne paraissent pas perçues comme des terres de mission, mais comme des terres d’émigration vers lesquelles les jeunes filles sont encouragées à partir, notamment par le biais d’associations présidées par les femmes de l’aristocratie et de la bourgeoisie montante.

            Ainsi, l’homme et le sacré entrent dans un rapport relevant de la religiosité, l’idéologie coloniale permettant à l’homme de renouer avec la « nostalgie des origines », de la transformer en support mythique des temps à venir. « L’idéologie coloniale va du passé à l’avenir comme un flux et un reflux… Pour y parvenir, il faut «  re sacraliser» entièrement la vie et placer les actes les plus anodins du quotidien au niveau du sacré... Les colons qui s’installent dans un territoire nouveau ne font que réitérer les actes de leurs ancêtres et parviennent en cela à devenir l’égal des dieux » (p. 229).                                                                                                     



 
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