La départementalisation de Mayotte : une réforme mal préparée, des actions prioritaires à conduire : rapport public thématique, janvier 2016

Recension rédigée par Jean-Loup Vivier


            Dans ce rapport de la Cour des comptes, le lecteur apprendra ce qu’il sait déjà : que Mayotte coûte cher à la collectivité nationale, qu’il y règne de graves problèmes d’ordre public, que l’immigration illégale est massive, etc. L’intérêt de ce genre de rapport est de mettre des chiffres en face de ces données connues.

            Mayotte est devenue département en 2011. En dépit de ce statut juridique qui l’assimile à l’Ariège ou à la Sarthe, de profondes différences avec les autres départements placent Mayotte dans une situation tout à fait originale.

            Mayotte est pauvre par rapport à la France en général (le PIB par habitant y est de 7 900 € contre 31 500 en moyenne pour la France entière), mais il est le décuple du PIB de l’Union des Comores. Ce qui en fait une destination prisée des immigrants illégaux : près de vingt mille ont été interpelés en 2014, et expulsés. Malgré les mesures d’éloignement, 40% de la population est composée d’étrangers. Le RSA, qui était distribué à 4.354 personnes en mars 2012, bénéficiait en juin 2015 à 19.902. Le chômage affecte plus de 36% de la population active. Alors que 60% des Mahorais ont moins de vingt-cinq ans, la situation ne semble pas près de s’améliorer. En effet, l’économie de cette île surpeuplée se dégrade : depuis un an, les exportations du secteur de l’aquaculture ont chuté de 77%, l’ylang-ylang n’est plus exporté depuis 2013, et le tourisme ne peut prospérer eu égard à l’insécurité ambiante.

            Un secteur marche très bien, c’est la fonction publique : 2.762 agents départementaux pour 212.000 habitants. Et les agents de ce département pauvre sont bien payés : 36.000 € l’an en moyenne. Puisque nous évoquons le nombre des habitants, rappelons qu’il était six fois moindre il y a quarante ans… Ces charges de personnel sont autant d’argent qui n’ira pas dans les travaux destinés à mettre de l’eau potable à la disposition de la population, ou à doter les villes d’un réseau d’évacuation des eaux usées, or en ces domaines les besoins sont importants.

            Le rapport insiste sur l’impréparation de cette île, soumise jusqu’en 2011 au principe de la spécialité législative et soustraite au droit de l’Union européenne, à devenir un département, auquel s’appliquent les lois et qui fait partie de l’Union européenne. L’état civil des habitants est incertain. Une conséquence est l’incertitude qui règne sur l’identité des propriétaires fonciers. Si l’on ajoute à cela que l’adressage est très défectueux, l’on comprendra que la moitié des avis de taxe foncière reviennent sans avoir pu être distribués. Les services fiscaux doivent en outre caractériser les immeubles pour qu’une certaine justice règne entre les redevables des taxes foncière et d’habitation, et le travail est loin d’être achevé. De nombreuses parcelles appartenant à l’Etat sont occupées illégalement, et l’Etat paie dans ce département le dixième du montant total des taxes foncières qu’il acquitte pour toute la France !

            Pour terminer, versons sur cette sauce de gabegie un soupçon
d’exotisme : 101 agents de la justice musulmane sont payés par le département à ne rien faire, depuis que les cadis, leurs greffiers et secrétaires se sont vus retirer leurs attributions.