Pouvoir, tradition, modernité : l'école de Denis Sassou N'Guesso

Recension rédigée par Philippe David


            L’auteur, journaliste et reporter, en est à son troisième ouvrage en trois ans sur le président Sassou N’Guesso aux commandes de la République du Congo depuis plus de trente ans (sauf interruption) et lui consacre cette fois encore 90 pages tout imprégnées de sa fidèle admiration, précédées d’une élogieuse préface du ministre des Affaires étrangères et suivies de six annexes. La quatrième de couverture l’annonce : à la fin de 2015, Denis « vient de rempiler pour les cinq prochaines années ». L’argot militaire peut surprendre ici mais, après tout, n’était t-il pas officier de para-commandos en treillis olive et béret rouge lorsque, après avoir rassemblé les débris du PCT, parti marxiste de Marien Ngouabi assassiné deux ans plus tôt, il accéda au pouvoir le 5 février 1979 « sans un seul coup de feu tiré » ?

            Mais que de troubles, de drames et de sang versé tout au long des trente années qui allaient suivre : milices, Ninjas contre Cocoyes, bandits et rebelles, exécutions et assassinats à Brazzaville, à Pointe-Noire et dans tous les districts du pays. En 1991, une Conférence nationale éprouvante fait l’unanimité contre lui, insulté mais serein, pour qui de très sérieux ennuis commencent. Contraint à quatre ans d’exil à partir de 1993 pendant le règne malheureux de son rival Pascal Lissouba jusqu’en octobre 1997, il revient au pouvoir. « Sassou II” est super-star » à Paris l’année suivante mais « des violences interminables » continuent d’ensanglanter le pays jusqu’en mars 2003.

            Il n’en est pas moins victorieux aux présidentielles de 2002 et, plébiscité à 89,4 %, entame un septennat plus calme baptisé la « Nouvelle Espérance » et renouvelé sans difficulté en 2009. Pour la dernière fois en principe mais, sûr de lui et - affirme-t-il - de toutes les forces vives et institutions du pays, il emporte le scrutin référendaire du 25 octobre 2015 et s’offre, le 6 novembre, une nouvelle constitution qui légitime d’ores et déjà son maintien au pouvoir. Aux présidentielles de 2016, il est donc réélu avec 60,19 % des voix. « Coup d’état constitutionnel » réussi. Parmi une multitude de « petits noms affectueux » en français ou dans sa langue natale, un de ses surnoms mbochi n’a pas
menti : je-suis-la-termitière-que-jamais-le-vent-ne-peut-renverser ».

            Incontestablement, le Congo qui fut « populaire », après avoir « desserré » le marxisme, s’est spectaculairement « arrimé à la modernité ». L’homme qui le dirige depuis trente ans et en a aujourd’hui 73 peut certainement s’en attribuer aussi le mérite. Mais il a toujours été controversé et même, de son propre aveu, généreusement insulté tout au long de sa carrière. Aussi est-il logiquement classé aujourd’hui, à tort ou à raison dans la triste catégorie des dictateurs. Qu’on s’en indigne ou qu’on approuve, on apprécie en tout cas la discrète et honnête lucidité de Gankama envers son personnage et surtout une élégance de style fort rare dans cette catégorie de littérature politique.                                                                                               



 
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