Retour de flamme : les banlieues de Damas, matrice de la barbarie terroriste qui frappe l'Occident : chroniques de cinq années de guerre coalisée contre la République arabe syrienne

Recension rédigée par Christian Lochon


            L’auteur, dont nous avions recensé dans ces colonnes le précédent livre Les Egarés, le wahabisme est-il un contre islam ? (Alfortville Editions Sigest 2013), l’avait consacré au large soutien financier offert aux milices terroristes « takfiries » que « l’Arabie Saoudite et le Qatar, faux amis de l’Occident dispensent dans des pays frères  maintenant exsangues comme la Syrie, l’Irak, le Yémen, la Libye et d’autres qui vont le devenir hélas ». Telle est restée la conception avec laquelle M. Vernochet a rédigé ces chroniques du 28 février 2012 au 22 novembre 2015, consacrées à la guerre menée contre la Syrie. Il le dit page 256 :« Nous participons nolens volens à des guerres eschatologiques mises en œuvre par un wahabbisme meurtrier et le sionisme messianique judéo protestant ». On comprendra que l’ouvrage n’est pas politiquement correct ; ce qui arrive lorsqu’on veut bien lire les études de spécialistes de la région qui révèlent le dessous des cartes. Nicolas Hénin est un autre de ces décrypteurs avisés dans son Jihad Academy (Fayard 2015).

            La Syrie a été condamnée par une coalition internationale à l’implosion peut-être parce qu’ « elle commande trois espaces maritimes : la mer Noire, la Méditerranée et la mer Rouge » (p. 193) ; pour cette même raison, Moscou a pu obtenir une base navale à Tartous en échange de son soutien au régime damascène. L’ambassadeur Michel Rimbaud, s’était plaint le 22 février 2016 de « l’énorme conspiration du mensonge qui fait passer la Syrie légale pour usurpatrice et massacreuse et ses agresseurs pour des libérateurs révolutionnaires » (p. 223). La Syrie serait donc l’épicentre d’un séisme qui va ébranler la Libye, la Tunisie, l’Algérie. Washington, Paris, Tel Aviv soutiennent des miliciens somaliens, tchétchènes, afghans, algériens, tunisiens, algériens (p. 47) qui intègrent les gangs clones d’Al Qaïda en Syrie selon un Protocole signé à Doha le 6 décembre 2012 et qui prévoyait la disparition de la Syrie. Ainsi, le 13 février 2012, l’armée syrienne arrêtait douze militaires français ; le 24, dix-huit autres ; notre pays négociera avec la Russie, les Emirats et Oman pour les faire libérer. En mars 2012, dans le quartier islamiste de Homs assiégé, parmi 600 miliciens, les troupes de Damas découvriront 118 étrangers. Sous la pression de la population française qui refuse à 66% de cautionner une intervention en Syrie (sondage BVA du 30 août 2013),  le Président Hollande (« sous prétexte de ne pas aider Assad » !) et les Emirats suspendent leurs opérations en Syrie (p. 101). Le Patriarche melkite Gregorios III avait bien mis en garde les alliés occidentaux sur les bandes de mercenaires étrangers fanatiques, torturant et rançonnant : « Il y a seulement du banditisme et le monde entier refuse de le croire » (p. 27). Quand même l’AFP au printemps 2012 aura reconnu que les « brigades de l’Armée syrienne de libération » était composée d’Algériens, de Tunisiens, d’Emiratis, d’Egyptiens, de Français, de Tchétchènes. Sur ce point, la désinformation est totale ; Mme Basma Kodmani, sunnite réfugiée à Paris, porte-parole du Conseil national syrien, attribue à des villageois alaouites le massacre à Houlé de 108 citoyens sunnites, « preuve de guerre civile » alors que ce sont des mercenaires qui sont les coupables ( p. 22) ; un prétendu « Observatoire des Droits Humains », basé à Coventry (G.B.) dirigé par Rani Abdelrahman, propriétaire d’un magasin de vêtements, diffuse quotidiennement des chiffres fantaisistes que la CIA relaie.

            Les dommages collatéraux se retrouvent dans toute la région ; la Turquie a soutenu les salafistes, l’ALS, les déserteurs (p. 64), entraîné les brigades djihadistes financées par l’allié saoudien, acheté le pétrole de Daech pour le revendre à Israël (p. 206) puis frappée par plusieurs attentats urbains (p. 187), elle  s’aperçoit que les Américains soutiennent le projet du Grand Kurdistan à ses dépens et qu’ils auraient participé au coup d’Etat manqué du 15 juillet 2016 (p. 78) ; d’autre part la communauté alaouite d’Alexandrette a refusé d’accueillir les réfugiés sunnites radicaux du nord syrien, causant des troubles dans le Hatay.

            L’Irak ayant vu toute son élite militaire, administrative, policière mise à pied par les Américains sous prétexte d’être baathiste (tous les fonctionnaires devaient l’être), est « désarticulé » (p. 135). S’ensuivent (p. 135) de terribles affrontements entre sunnites (qui adhèrent à Al Qaïda puis à Daech et chiites devenus maîtres du pays) ; les autres minorités doivent s’exiler ou se réfugier au Kurdistan comme les chrétiens (dont les églises sont systématiquement détruites), les yézidis (vendus comme esclaves !), les sabéens (p.141).

            La Libye a implosé, ses habitants retrouvant leur appartenance séculaire tribale (p. 32). Le très pauvre Yémen a subi des bombardements constants de la part des Saoudiens alors que les Houthis (chiites) auraient pu éradiquer les Qaîdistes installés dans leur pays (p. 182).

            Après tant d’incohérences, la « Grande Coalition » hétéroclite réunissant les adversaires étrangers et arabes sur le terrain syrien, Russes et Américains, Saoudiens et Qataris (habituellement en compétition), autres Arabes (Libanais, Bahreinis, Emiriens, Koweitiens, Omanais, Egyptiens, Irakiens, Jordaniens) entreprend de  s’attaquer au principal ennemi de tous, Daech. Tant qu’aux citoyens syriens, cinq millions sont réfugiés à l’extérieur, 500.000 sont morts auxquels s’ajoute un nombre égal de grands blessés. Il faudra vingt ans pour retrouver le niveau économique de 2011.

            Jean-Michel Vernochet nous invite courageusement une fois de plus à examiner les responsabilités des grandes puissances dans cette hécatombe que la presse conformiste française essaie d’attribuer aux divisions du peuple syrien même. Un index (p. 257) permet de situer les noms de personnes, de lieux, de partis politiques. Pour une deuxième édition, on vérifiera (p.121), que le frère musulman pendu par Nasser en 1959 n’est pas Mohamed Abdou mais Sayed Qutb.

                                                                                                      


 
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