Cartographie et représentations de l'espace en Tunisie au XIXe siècle, 1830-1881

Recension rédigée par Gérard Mottet


            Cette Cartographie et représentations de l’espace en Tunisie au XIXe siècle publiée par Houda Baïr est un vaste ouvrage remarquable.

            Il comporte 207 pages de texte et d’illustrations dont une bibliographie très détaillée de 9 pages à la fin de ce livre dans laquelle est cité trois fois le géographe Jean Despois qui fut professeur à Paris à l’Institut de Géographie.

            Puis, est ensuite cité la thèse de Mohamed Fakhfakh qui fut l’ancien étudiant de l’auteur de ces lignes à l’Ecole Normale Supérieure de Tunis de 1974 à 1978.

            La préface signée par le Pr. Daniel Nordman du CNRS mais aussi du Centre d’Histoire Sociale de l’Islam Méditerranéen, est un pertinent résumé de ce grand ouvrage.

            Ce livre comporte, en effet, deux parties bien équilibrées. Dans son introduction générale, précédée d’une carte générale de la Tunisie, cette grande historienne cite en bas de page de nombreux auteurs dont elle fait référence dans son texte.

            Cette introduction montre qu’elle connait très bien son pays au plan géographique comme au plan historique.

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            La  première  partie s’intitule : « L’espace tunisien : de l’itinéraire à la carte ».

            Elle comporte trois chapitres, tous illustrés par des cartes anciennes.

            Dans le chapitre II intitulé « Falbé et les premiers travaux scientifiques », elle évoque longuement ce capitaine de vaisseau qu’elle qualifie à juste titre « d’homme de science ».

            C’est, en effet à lui que l’on doit les premières cartes de la ville de Tunis (p. 40) et de Carthage (p. 43). Puis elle ajoute : « levé et dessiné en 1881 par Falbé ».

            Falbé est à la fois un archéologue préoccupé par les ruines de Carthage mais aussi un militaire intéressé par le potentiel stratégique de la ville de Tunis et de ses fortifications.

            Puis Houda Baïr cite ensuite à la page 47 le texte de Falbé qui explique que la conquête d’Alger par les Français enleva à la Tunisie un « voisin inquiet et dangereux ».

            Car, au XVIIIe et au XIXe siècle, la Régence d’Algérie était une menace pour la Régence de Tunis représentée par une carte de Falbé en 1839 à la page 56.

            Le chapitre III de cette première partie est consacré à la cartographie du capitaine Pricot de Sainte-Marie qui utilisa les travaux de Falbé comme le montre la « Carte de la Régence de Tunis réalisée en 1842 »  consultable en la page 66 de cet ouvrage.

            Deux cartes (pp. 80-81) sont très intéressantes. La première (p. 80) montre la progression au XIXe siècle de l’urbanisation. La seconde (p. 81) est intitulée « Carte de la Tunisie ancienne ». Elle est datée de 1876.

            Hormis ce titre, tous les noms de villes sont en latin : par exemple Carthago (Carthage) plus important que Tunethum (Tunis). L’archipel des Kerkenna prend le nom de Circinna. Le Golfe de Gabès est indiqué Syrtis Minor. Et l’île de Djerba bien représentée prend, elle aussi, le nom d’Ile Menix.

            Cette carte dessinée par Philippe Caillat est  « dressée d’après les recherches de E. de Sainte Marie ». C’est bien rendre hommage à ce dernier abondamment cité par Houda Baïr dans le chapitre III de cette première partie.

            La conclusion  de cette première partie rappelle le rôle militaire de la cartographie.

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            La seconde partie est intitulée « Enjeux stratégiques de la cartographie ».

            Elle va de la page 95 à la page 188. La suite est consacrée à trois annexes (pp. 189 à 194).

            Suit alors une abondante bibliographie (citée au début de ce compte-rendu) qui montre bien l’immense culture internationale de l’historienne Houda Baïr qui ne cesse de citer, dans cette bibliographie, de grands géographes aux livres récents.

            Les deux parties de ce livre sont abondamment illustrées par 53 cartes en majorité du XIXe  siècle. Des comparaisons sont même établies avec des cartes actuelles, notamment en p. 126 avec la  « Figure 31. Superposition de le carte de Sousse de 1864 et de la carte actuelle (2000) : attention portée au relief ». C’est bien la preuve que cette historienne porte un grand intérêt à la géographie physique, à ses aménagements et aussi à la topographie. D’ailleurs dans la postface de la page 187 signée par le Professeur Jamel Ben Tahar, ce dernier commence par cette phrase « Cet ouvrage constitue une importante contribution à l’histoire de la science géographique par l’exploration des représentations visuelles et cartographiques de l’espace tunisien au XIXe siècle ». Puis l’auteur de cette page rend hommage à Houda Baïr et il a bien raison. Car ce livre de très grand format (21x 29,7 cm) très bien illustré, est une belle synthèse de l’histoire, de la géographie, mais aussi de la cartographie tunisienne au XIXe siècle.

            Il a été publié en juillet 2016 par les Presses Universitaires de Bordeaux. Nous souhaitons vivement qu’il soit lu par de nombreux académiciens. La bibliothèque de notre Académie, très bien dirigée par Véronique Bénichou, est faite pour cela.

            Dans les 53 cartes et les 5 tableaux de cet ouvrage, Houda Baïr cite à chaque page ses sources. A la fin de son livre, p. 189, 190 et 191, elle cite les deux auteurs : Falbé et Pricot de Sainte-Marie qui sont mentionnés souvent dans cet ouvrage.

            Nous nous devons, à la fin de ce compte-rendu, de rappeler que la Tunisie est en ce moment victime d’attentats. Ce livre et son auteur, éminente historienne et tous les ouvrages qu’elle cite, est un démenti à cette grave situation.

            Nous tenons à affirmer à la fin de ce texte, qu’il y a une très grande différence entre la situation du monde actuel et la bonne volonté des chercheurs actuels dans tous les domaines, à commencer par l’histoire, la géographie et la cartographie, mais aussi toutes les sciences.

            Conclusion.

            Ce livre est donc, dans tous les sens du terme, un signe de paix.

            Dans le monde entier les hommes politiques ne tiennent pas compte des travaux des chercheuses et des chercheurs.

            Ce livre exceptionnel en est la preuve. Nous souhaitons vivement que toute la classe politique, et notamment le chef de l’état tunisien, aient tous connaissance de cet ouvrage.

            C’est, à la fin de ce compte-rendu, notre vœu le plus cher.                                                                                                 

 



 
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