"Le rap, ça vient d'ici !" : musiques, pouvoir et identités dans le Gabon contemporain

Recension rédigée par Josette Rivallain


            Cet ouvrage reprend les travaux de recherches présentés dans le cadre d’une thèse d’anthropologie structurée en trois parties, soutenue à l’Université de Lumière-Lyon-2 en 2013, traitant d’un thème peu courant autour d’une expression musicale complexe alliant rythmes, cultures anciennes et aspirations d’un monde plein de renouveaux, notamment dans les villes.

            L’auteur nous introduit dans une complexe culture musicale associant traditions  reposant sur des équilibres religieux et familiaux face à des expressions neuves ayant pris forme au début des années 1990, sous l’influence de courants afro-américains. Ces nouvelles pratiques musicales deviennent des éléments identitaires par rapport au pouvoir, comme cela se note dans bien d’autres pays africains : les musiciens du rap se sont imposés comme des acteurs de premier plan dans les réalités nationales africaines en marche. L’auteur rappelle également que plusieurs rappeurs, et particulièrement les rappeurs Ba-Ponga, reprennent l’idée que le rap serait d’origine africaine, s’étant inscrit dans la circulation transatlantique à travers la diaspora africaine.

            Cette musique est inséparable de la création de la nation au milieu du XXe siècle avec tout un nouveau maillage du pays. Cette synthèse complexe illustre la variété des univers de référence des rappeurs. Elle aboutit à la construction de nouveaux liens grâce à des rapports d’un autre type entre hommes et femmes sur fond de sexualité, les femmes prenant des distances par rapport à la force des hommes. S’y exprime le besoin de créer une identité nouvelle s’appuyant sur des idéologies tant religieuses, historiques que politiques, associant sorcellerie, mystique, héritages africains et européens en lien avec les nouvelles émergences politiques.

            Il apparait également que les revendications politiques actuelles s’inscrivent dans les stratégies des musiciens africains d’autrefois et la place des femmes revendiquée par les rappeurs déconstruit les structures masculines habituelles de la musique. Les emprunts musicaux contribuent à redéfinir les métissages des identités tant régionales que nationales et internationales, touchant aux catégories de l’imagination et globalisant les dynamiques des ordres existants, interagissant sur les variantes musicales à partir d’interactions individuelles.

            Ici, nous sommes en pleine construction de nouvelles synthèses de notre monde en marche, au croisement de multiples idéologies tant anciennes qu’actuelles que les musiciens traduisent avec leur voix et leurs instruments.