Le vrai voyage de Monsieur de Combourg : Chateaubriand en Amérique, 1791

Recension rédigée par Yves Boulvert


  En 1986, Yvon Chatelin s’était intéressé (dans Milieux et Paysages) à la manière dont quelques explorateurs scientifiques avaient perçu des Milieux naturels nouveaux. Lui-même, à la suite d’un séjour d’études accompagné de visites dans l’Est des USA, s’attacha à décrire comment ce milieu, alors exotique, avait été ressenti au moment où les Etats-Unis, nouvellement indépendants, se lançaient à la découverte d’un monde à conquérir.

            L’auteur a successivement évoqué en 1991 : Le voyage de William Bartram (1773-1776)  jusqu’en Louisiane et Floride, puis en 2013, il a marché Sur les pas d’Audubon, le naturaliste (1803-1850) – Promenades dans une Amérique naissante. Cette fois, il s’attache à reconstituer Le vrai voyage de Monsieur de Combourg : Chateaubriand en Amérique, 1791.

            C’est Lamoignon de Malesherbes, futur défenseur de Louis XVI, parent de Chateaubriand, qui communiqua à ce dernier le rêve de tenter la traversée terrestre de l’Amérique du Nord. Ainsi, à 23 ans, le 2 juillet 1791, Chateaubriand débarque-t-il en Virginie, dans la baie de Chesapeake, avant de visiter les grandes villes côtières : Baltimore, Philadelphie, New York, Boston. Huit ans après l’Indépendance, un officier français, noble, pouvait rencontrer des dirigeants comme G. Washington et T. Jefferson. Chateaubriand rencontre également des Episcopaliens, des Quakers (comme William Bartram qui l’initie à la flore locale), des Amishs, des Mennonites...

            Via Albany, il atteint à cheval les chutes du Niagara, découvrant la « Grande Forêt », sa faune et sa flore, et rencontrant des Indiens Iroquois puis « des coureurs des bois », Canadiens francophones qu’il accompagne vers le Sud-Ouest, sur la « Rivière-aux-boeufs » (des bisons !) et l’Ohio.

            Après les sites des combats pour l’Indépendance, il voit les fortins en bois ruinés jalonnant l’ancienne frontière avec le Canada français et la Louisiane. Sans avoir pu atteindre le Mississipi, il s’attarde sur « l’île du rendez-vous » parmi les Cherokee, Creek, Shawnee... La rencontre de deux « filles peintes », ardentes et voluptueuses, lui fournit bientôt les personnages d’Atala et Céluta. Mais au cours de son périple, Chateaubriand eut la malchance, lors du passage d’une rivière à cheval, de perdre « la plupart de ses carnets de notes », véritable drame pour les explorateurs comme pour les écrivains.

            Apprenant par hasard la fuite du Roi à Varennes, il décide – abandonnant ses rêves d’exploration – de regagner précipitamment Philadelphie pour y embarquer le 16 décembre 1791.

            L’écrivain romantique a bien accompli un périple de « plus de trois mille milles » mais n’a pas pu pénétrer chez les Natchez ni chez les Séminoles de Louisiane ou de Floride. François-René n’est pas devenu explorateur mais il s’est préparé à devenir homme de lettres, observateur lyrique du « beau spectacle d’une nuit dans les déserts du Nouveau Monde ».

            Atala (1801), Les Natchez (1826) et Voyage en Amérique (1827) sont des reconstitutions littéraires tardives. L’idée originale d’Yvon Chatelin a été d’établir, par un récit romancé mais plein de réalité, « Le vrai voyage » de Chateaubriand en matérialisant son parcours sur des cartes d’époque. Il n’a pas hésité, afin « d’alléger la lecture », à introduire « des dialogues nécessairement inventés ». Ainsi cet ouvrage, bien documenté et vivant, apparaît-t-il comme la nécessaire toile de fond des œuvres « américaines » de
Chateaubriand : Le vrai voyage de Monsieur de Combourg.