Cruautés et tendresses : vieilles moeurs coloniales françaises précédé de Les vies légères : évocations antillaises

Recension rédigée par Jean Nemo


Il s’agit ici de la réédition d’un ouvrage fort ancien, puisque son auteure appartient à deux siècles passés (1868-1949). Martiniquaise de Saint-Pierre d’avant l’éruption de 1902, ses noms et prénoms complets sont Marie, Philomène, Julie, Simplice Hurard. Elle finira son existence à Paris. Il n’existe d’elle qu’une seule mauvaise photo (elle figure en médaillon sur la couverture). Sa bibliographie est mince, sous réserve d’informations biographiques sujettes à caution. Elle est l’inventeure de la formule « Mulâtritude » dont elle serait la porte-parole féminine.  

On prendra donc en compte cette édition tardive, car elle est susceptible d’apporter des informations récentes à propos de Drasta Houël, finalement très mal connue. Pour ce faire, on supposera à juste titre que Roger Little et sa collaboratrice, Isabelle Gratiant apporteront lesdites informations. Donc, rapide présentation des deux intéressés : Roger Little est irlandais, directeur du département de français à Dublin ; il est également directeur de la collection « Autrement mêmes » à laquelle appartient l’ouvrage sous revue ; Isabelle Gratiant a rédigé une thèse soutenue en 1987 (« Émergence d’une littérature : romanciers et poètes à la Martinique, 1870-1930 »).

En bonne méthode, on examinera les justifications de cette réédition tardive, elles figurent dans la longue introduction de Roger Little. Puis on fera une brève incursion dans le texte lui-même.

L’introducteur rappelle qu’il eut un choc « très positif » lorsqu’il découvrit Drasta Houël, à travers un « Cent ans de poésie en Martinique : une anthologie 1903-2017 ». Il s’interroge sur cette inconnue dont il précise que l’on connaît peu de choses. Elle appartient à une fratrie de huit enfants, elle a des ancêtres « békés » de la bonne société d’avant l’abolition de l’esclavage et bien évidemment des ancêtres noirs. Elle ne saurait donc être considérée comme « béquée » ou Blanche, ce que des spécialistes de la littérature martiniquaise ont trop souvent fait. L’on se perd en conjectures sur le choix par Marie, Philomène, Julie, Simplice Hurard Marie, Philomène, Julie, Simplice Hurard Marie, Philomène, Julie, Simplice Hurard Marie, Philomène, Julie, Simplice Hurard de c Marie, Philomène, Julie, Simplice Hurarde pseudonyme Drasta Houël. Mais Houël appartient bien à la famille, blanche ou teintée.

Elle communique à un ou des cousins germains certains de ses écrits ou poèmes. Elle connaît un succès certain auprès des critiques universitaires, tel un Roger Tomson qui parle à son propos « recueil en tout point remarquable ».

Puis Roger Little aborde le « portrait sans concessions de la société martiniquaise à un moment clé de son histoire ». Il termine sa longue introduction par la constatation qu’elle est plus et bien plus compliquée que la « hiérarchie » blancs ou békés, métis et noirs. Comme l’écrivait en 1942 Suzanne Césaire « il s’agit de prendre conscience du formidable amas d’énergies diverses que nous avons jusqu’ici enfermées en nous-mêmes ».

En dehors du fait que Roger Little dirige la collection Autrement mêmes de l’Harmattan, il a manifestement voulu faire connaître une écrivaine « régionale », comme d’autres dans l’Hexagone à propos d’auteurs ou de conteurs « provinciaux ». Cela ne saurait déplaire au lecteur curieux des auteurs qui ne figurent pas dans les grands magazines littéraires nationaux. 

Venons-en maintenant et rapidement au fond. L’ouvrage sous revue organise le parcours en deux chapitres : les « Vies légères : évocations antillaises », succession de textes courts en français de tous les jours, parfois en « martiniquais ». Le chapitre suivant concerne le roman lui-même, « Cruautés et tendresses : vieilles mœurs coloniales françaises », fait de courts chapitres qui retracent bien ce que furent à leur époque ces « vieilles mœurs coloniales françaises ».

On saura gré à cette réédition d’une œuvre fort mal connue de ce côté de l’Atlantique d’avoir rendu accessible à des lecteurs très curieux de ce qui s’écrit « ailleurs » et notamment dans cet ouvrage, même en « francophonie », que l’on ignore trop souvent dans les bonnes bibliothèques, fussent-elles universitaires. Nos confrères et consœurs la trouveront sans peine et sans regret dans notre bibliothèque.