Ethnographie du Quai d'Orsay : les pratiques des diplomates français

Recension rédigée par Louis Dominici


« Ethnographie du Quai d’Orsay » porte, comme l’indique son sous-titre, sur « les pratiques des diplomates français ». Écrit par Christian Lequesne, professeur de Sciences Politiques, à Sciences-Po Paris et ancien directeur du Centre de Recherches Internationales (CERI). Il résulte d’une enquête menée auprès de nombreux agents de catégorie A du Ministère des Affaires Étrangères ainsi, qu’auprès de plusieurs Ministres, et couvre à travers eux une période assez longue pour donner une image des quarante dernières années de la pratique diplomatique.

Les titres des chapitres sont significatifs : « Ethnographier les Diplomates français », « Le choix de devenir Diplomate », « Faire carrière au Quai d’Orsay », « Bureaucrate, médiateur et héros », « Interagir avec le Prince », « La France dans les têtes », « Le Ministère de la parole », « La pratique consulaire en mutation ».

En ethnographe, l’auteur décrit sans juger. Bien entendu, l’ouvrage, ainsi fondé sur des entretiens, reflète les observations et préoccupations dominantes des interlocuteurs auxquels le chercheur s’est adressé. D’autres que ceux-ci auraient sans doute insisté davantage sur l’excès des réductions des effectifs et de moyens, qui ont affecté le Ministère des Affaires Étrangères au cours des trente dernières années, et qui aux yeux de la majorité des personnels, toutes catégories confondues, mettent en péril la politique étrangère de la France, et par là même sa sécurité, ses intérêts matériels et son rayonnement moral.

L’ouvrage relève opportunément la question particulièrement importante, de l’existence au Quai d’Orsay, de deux courants politiques différents : l’un qui est celui « de l’indépendance et du rang », se situe dans ligne historique et multiséculaire de la politique étrangère de la France, incarnée à l’époque contemporaine par le Général de Gaulle et ses fidèles ; l’autre, qui est celui « des occidentalistes », donne priorité à la relation avec les États-Unis et avec l’Otan et se montre dans ce contexte plus disposé aux engagements militaires à l’étranger, en tout cas lorsqu’ils peuvent être présentés comme utiles pour l’affirmation dans le monde de la démocratie libérale de type occidental. L’ethnographe a la discrétion de ne pas dire comment le courant occidentaliste se renforce depuis une quinzaine d’années parmi les hauts Diplomates, dans la mesure où ceux-ci constatent que le pouvoir politique favorise le courant occidentaliste à tous égards et n’omet pas de le faire à l’occasion des promotions de grade et des nominations aux grands emplois.

En conclusion, l’ouvrage constitue une introduction de qualité pour ceux qui ne connaissent pas le milieu humain des Affaires Étrangères en France. Il peut tout autant être utile aux Diplomates, en les incitant à réfléchir sur ce qu’ils pourraient faire ou en tout cas revendiquer ensemble afin de défendre et faire valoir les valeurs permanentes de toute politique étrangère, au service de la grandeur matérielle et morale de la France.