Nos frères d'armes les Harkis

Recension rédigée par François Besson


L’auteur, Philippe de Parseval, entend faire une piqure de rappel pour raconter l’histoire des Harkis, ces quelque 200.000 soldats musulmans oubliés, qui se sont engagés à nos côtés pour que l’Algérie reste française.

Après un retour sur l’histoire de l’Algérie sous diverses occupations, l’émigration de colons prend forme. Plus de 10.000 français s’installent à Alger et commencent à assainir la Mitidja insalubre au sud d’Alger. 

 La mise en valeur des terres ne peut se faire sans la protection de l’armée et l’administration sera le fait des généraux-gouverneurs aidés par les Bureaux Arabes. La colonisation s’accélère jusqu’à atteindre 240.000 habitants en 1870. Mais l’essor engendré n’estompe pas le malaise entre les communautés et des troubles éclatent, réprimés, précédant en fait le grand soulèvement de 1954.

En 1871, avec l’arrivée des Alsaciens, des Lorrains et d’autres Européens, la population atteint 500.000 âmes et va former ce qui va être les « Pieds noirs ». La bonne santé économique profitera pendant des décennies aux 830.000 Européens et aux presque 6.000.000 de musulmans.

Cependant se développe une élite opposée à la France et à l’inégalité de la représentation élective aux assemblées. Des revendications sont envoyées à Paris par le mouvement des « Jeunes Algériens » animé par Ferhat Abbas. Plus engagé, Messali Hadj fonde le Parti Populaire Algérien qui deviendra Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques. Jugé trop peu anti-français, son mouvement est mis à l’écart. Le FLN prend le dessus et déclenche la guerre d’indépendance le 1er Novembre 1954.

Débute alors un conflit qui va entraîner 200.000 morts, l’exode de près d’un million d’Européens, de quelques dizaines de milliers de musulmans fidèles à la France et plonger 10 millions d’Algériens dans la misère. Des assassinats sont perpétrés dans le djebel par l’Armée de Libération Nationale qui n’aligne qu’un millier de moudjahidin alors que les forces de l’ordre sont de 58.000 hommes mal encadrés, mal équipés et non adaptés à ce type de combat insurrectionnel et psychologique.

La valse des gouvernements de la IVème république, l’absence de moyens militaires conséquents font que les résultats ne sont pas à la hauteur. L’ALN augmente alors ses effectifs.

Comme la constitution de groupes d’autodéfense avec des villageois armés n’est pas suffisante, l’emploi de supplétifs s’intensifie. La création des Sections Administratives Spécialisées entraîne de violentes réactions du FLN qui ne veut pas voir la population lui échapper.

En Avril 1956 est décidé l’envoi du contingent, mal vécu par l’opinion publique française. Le FLN décide de porter la rébellion dans les villes, avec des poses de bombes visant les Européens mais aussi les musulmans pro-français, ce qui entraînera la création d’une organisation de résistance pour le maintien de l’Algérie française. D’autre part, l’échec de l’intervention franco-anglaise de Suez la même année va être un camouflet pour le prestige de la France.

Ordre est donné aux parachutistes de détruire le FLN dans la Casbah d’Alger et c’est le début de la bataille d’Alger, stoppant le terrorisme urbain. La décision est prise d’isoler l’Algérie de ses voisins en édifiant des barrages aux deux frontières, la privant d’approvisionnements et de renforts, qu’elle compensera avec des exactions sur la population qui restera la seule possibilité de recrutement. La succession des crises ministérielles à Paris, les suites d’un incident de frontière avec la Tunisie vont provoquer le 13 Mai 1958 des manifestations de Pieds noirs à Alger et l’appel au Général de Gaulle à la tête du gouvernement.

Le 28 Septembre 1958, le référendum proposé par le Général de Gaulle est largement approuvé. Le commandement opérationnel est confié au général Challe qui va mettre en place un plan de réduction de la rébellion avec le concours des autochtones dont le nombre atteindra plus de 200.000 hommes en 1960. En 15 mois, le plan Challe fait gagner la guerre sur le terrain à l’armée française et à ses supplétifs.

Mais pour le Général de Gaulle, seule une victoire politique résoudra définitivement le problème et un référendum décidera de l’avenir du peuple algérien. Pour lui, l’indépendance est inéluctable. Il proclame le droit de l’Algérie à l’autodétermination tout en insistant sur sa volonté apparente de conserver l’Algérie dans le giron de la France.

L’ambigüité de ces affirmations inquiète la population pied-noir et c’est la semaine des barricades à Alger, créant une fracture irrémédiable entre Européens d’Algérie et le gouvernement.

Dans une ambiance délétère, le référendum du 8 Janvier 1961 donne une majorité écrasante à l’autodétermination. Dès Février nait à Alger l’Organisation Armée Secrète pour la défense de l’Algérie Française. L’armée française est secouée, provoquant des démissions ou des désertions. Un coup de force se déclenche le 21 Avril 1961, le putsch des généraux, qui prendra rapidement fin avec la reddition des putschistes.

L’échec des partisans de l’Algérie française redonne un élan au FLN et provoque un nouvel état d’esprit chez les Harkis qui sont convaincus que la France va abandonner l’Algérie.

Les attentats du FLN reprennent, l’OAS réplique et le sommet de la lutte franco-française sera atteint le 26 Mars 1962 avec une fusillade qui fera 80 morts et de nombreux blessés.

 Malgré les accords d’Evian et le vote du référendum sur l’autodétermination du 1er Juillet 1962, des représailles sont perpétrées à l’égard des Pieds-noirs qui n’ont d’autre choix qu’entre la valise ou le cercueil. Quant aux Français de souche nord-africaine qui ont opté pour la France, ils n’ont le choix qu’entre le cercueil ou le cercueil. Ils sont 200.000.

 Dès le 19 Mars, le FLN accentue ses représailles sur les Harkis. Confiant en l’application des accords d’Évian, le gouvernement français donne des instructions pour que les supplétifs soient désarmés et démobilisés. Mais les représailles s’exercent contre eux et contre les Pieds-noirs, notamment à Oran. En application des accords d’Évian, l’armée reste l’arme au pied alors que des scènes atroces sont signalées dans tout le pays.

Par chance, en opposition aux ordres reçus, de nombreux officiers et administrateurs civils réussissent à sauver des Harkis et leur famille. De 1962 à 1965, près de 50.000 Harkis arrivent en France où rien n’est prévu pour cet exode particulier sauf d’anciens camps censés être des zones de triage. Vite surchargés, ils doivent être remis en état.

Dès 1962, les barbelés et les miradors sont l’environnement des familles parquées dans ces camps surpeuplés. Pour résorber cette surpopulation, des hameaux sont temporairement construits près des zones forestières pour employer les hommes à l’entretien des forêts. A chaque évolution, c’est l’obligation de déménager et de trouver un emploi, un logement, une école. Des initiatives privées, des municipalités aident au reclassement des familles.

Avec courage, certains d’entre eux poursuivent heureusement des études. Dans la misère de la situation, il faut citer l’action de la commune de Neuilly jumelée à la ville de Nemours et qui s’est particulièrement investie dans l’accueil et le reclassement des Harkis. En définitive, et malgré les déplorables conditions d’accueil, ceux qui en 1962 avaient choisi le repli en métropole eurent un sort bien plus enviable que ceux restés en Algérie.

Il faudra attendre 1975 et des révoltes pour que les Français soient instruits du drame vécu depuis près de 15 ans. C’est avec le Président Jacques Chirac dont le Secrétaire d’État est Marcel Bigeard que des améliorations sensibles sont apportées au sort des Harkis. En 1988, l’État choisit de verser une indemnité forfaitaire aux Harkis, jugée insuffisante par la seconde génération qui n’hésite pas à descendre dans la rue. En 1994, une nouvelle loi permet l’octroi d’une seconde indemnisation forfaitaire. En 1999, soit plus de 30 ans après l’indépendance, une rente viagère est allouée aux anciens Harkis ou à leurs veuves.

En conclusion, l’auteur cite un ancien supplétif qui affirme que l’Algérie a eu son indépendance trop tôt.

Ainsi le drame de l’Algérie en général et des Harkis en particulier n’aurait peut-être pas eu lieu.