Les résistances africaines aux conquêtes djihadistes et françaises du XIXème siècle – Des rives du Sénégal aux pays tchadiens

Recension rédigée par Jean Nemo


L’auteur fut coopérant, professeur de lycée au Sénégal et au Gabon. Il soutint une thèse de doctorat d’État en 1985 sur l’histoire de la Casamance. Puis il enseigna notamment à Lyon dans un lycée.

Sa relativement riche bibliographie, une vingtaine de publications, concerne essentiellement les relations historiques franco-africaines, les hommes qui les ont marquées. La 4ème de couverture affirme notamment que cet ouvrage devrait intéresser la jeunesse africaine « soucieuse de mieux connaître quelques grands faits de son passé ».

Livre pour enfants et adolescents qui n’auraient pas d’autre moyen pour connaître leur propre histoire et passé ? D’autant plus que, photo de couverture semble anachronique. Elle fut prise en 1966 par l’auteur, elle aurait pu être prise par d’autres photographes en d’autres lieux ou continents, y compris en Europe, lors de la reconstitution de fêtes folkloriques. Les plus âgés d’entre nous se souviennent avoir assisté à des fêtes folkloriques similaires un peu partout dans le monde et s’être posé quelques questions : reflétaient-elles des croyances réelles ou faisaient-elles partie du folklore ?

J’ai gardé un souvenir perplexe, au Dahomey de l’époque d’une cérémonie nocturne à propos de la mort par noyade d’un jeune adolescent. J’étais tout à fait par hasard le seul Européen présent dans le village. Mais tous les « étrangers » (d’autres ethnies africaines) et moi avions reçu la consigne de ne pas nous montrer. Plusieurs de ces « étrangers » me semblèrent vraiment paniqués, au point de s’enfuir loin du village. En fait, la nuit tombée, j’assistai en cachette à une terrible « cérémonie » : au-delà d’une large rivière, des voix accompagnées comme il se doit de roulements de tam-tams interrogeaient je ne sais qui à propos du « responsable » de la noyade, je ne compris évidemment pas la réponse mais un autre « étranger » m’a dit le lendemain que les voix avaient désigné le noyé lui-même, coupable de blasphèmes envers les esprits. Sans doute cela relève-t-il de folklores tels que l’on peut en trouver dans bien des quartiers parisiens ou dans d’autres régions dites « civilisées », l’aspect potentiellement mortifère en moins.

Je crains de m’être égaré dans ce rappel de souvenirs personnels. Revenons à l’ouvrage. Il comprend cinq chapitres : les résistances africaines aux conquêtes djihadistes ; les résistances des populations du Sénégal ; les résistances des populations du Soudan occidental ; les résistances des populations du Soudan central ; les résistances maures au début du XXe siècle.

Dans son introduction, l’auteur dédie son ouvrage à l’historien Yves Saint-Martin, son ancien professeur qui fut également enseignant au lycée de Dakar, au Prytanée de La Flèche et membre de l’ASOM. Il était familier des recherches sur archives à Dakar. Il poursuit en précisant la notion de « djihadiste », l’étendant à des personnages ou conquérants tels Ousmane Dan Fodio, El Hadj Omar, Samori. Il conclut cette introduction ainsi « Après avoir étudié les conquêtes djihadistes, nous examinerons les résistances des populations africaines à partir de 1850 d’une part contre les Français qui unirent leurs adversaires dans un combat commun ».

De sa conclusion, on retiendra que l’histoire qu’il vient de dérouler n’est certes pas simpliste, avant les conquêtes djihadistes et françaises, « ils tentaient de survivre dans une humanité peu propice aux compromis ». Suivent les deux dernières phrases, « C’est la raison pour laquelle on ne saurait ignorer les résistances africaines des deux siècles précédents. Leurs héros se sont dressés avec leur part d’ombre et de lumière ».

Une question se pose au lecteur plutôt généraliste : y-avait-il une spécificité propre aux Africains avant les djihads africains et la conquête coloniale. Il n’est pas sûr que l’auteur ait clairement conclu sur ce point.

Il n’en reste pas moins que cet ouvrage apprendra beaucoup au lecteur dit « généraliste » et qu’il posera beaucoup de question à celui qui connaît à la fois l’histoire africaine et ses sociologies.

Abondamment illustré, traitant à la fois des généralités et de nombreux acteurs de l’époque, Africains et Français, il suscitera de l’intérêt : car il pose des questions au lecteur, celui qui connaît bien l’histoire et la géographie. Il suggèrera au lecteur moins spécialiste l’envie de se plonger dans des lectures non seulement de l’ouvrage mais d’autres dont il est donné ici une courte mais bonne bibliographie.