Les garnisons de Gorée, 1627-1960

Recension rédigée par Yves Boulvert


Repéré en 1998 par notre confrère, le R.P. de Benoist, spécialiste du Sénégal et de Gorée, ce curieux manuscrit mémoriel a été édité par les descendants de l’auteur M. Maillat (1913-2005), autodidacte, envoyé en 1934 à Dakar qui, à sa retraite en 1962, était « inspecteur des chemins de fer d’Outre-Mer ». Dans cet ouvrage richement illustré (photographies couleurs, gravures anciennes, évolution des uniformes et tenues militaires (longtemps en gros drap inadapté au climat), l’auteur évoque les diverses occupations du site par les Portugais, les Hollandais, les Anglais et les Français, s’attardant sur les soldats, leurs campagnes, leur vie quotidienne, leurs uniformes, leurs soldes. « A l’ennui, à l’oisiveté, à l’ivrognerie, au libertinage s’ajoute la maladie ... : malaria, dysenterie amibienne, fièvre bilieuse ... », sans oublier la terrible fièvre jaune.

Deux épisodes intéressants sont développés. Le triste naufrage de « La Méduse » est mieux connu par ses suites. Les 85 naufragés, dont une femme, débarqués au Cap Timiris, avaient 400 kilomètres à parcourir dans le sable pour atteindre Saint Louis-du-Sénégal. Ils furent « durement traités par les Maures Trarza rencontrés qui leur donnent de l’urine de chameau coupée de lait et projettent de les réduire en esclavage ». En contrevenant au traité de rétrocession de Saint-Louis et de Gorée du 30 juillet 1814, confirmé le 28 février 1816, les Britanniques ne remettront ces points d’appui qu’en 1817 !

De même l’auteur a vécu et participé aux combats aéronavals devant Dakar en septembre 1940. De Gaulle, venu avec une flotte anglaise, croit que l’on se ralliera à lui mais « les Français de Dakar ne se sentent pas une âme de mercenaire. Ils veulent se battre contre le Boche mais sous l’uniforme français et menés par leurs chefs ». Quant aux marins, avec le cuirassé « Richelieu » sorti encore inachevé de Saint-Nazaire en juin 1940, ils n’ont pas accepté « l’agression de Porstmouth contre les navires repliés dans ce port », et surtout, « l’attaque de Mers-El-Kebir ». Un essai de débarquement à Rufisque échoue ; De Gaulle, atterré, se retire de l’opération mais Churchill veut poursuivre ... A Dakar, « la population n’apprécie pas particulièrement ces sauveurs qui les bombardent ». Il apparaît bien qu’il eût fallu débarquer loin de Dakar et progresser par voie de terre.

Ces deux épisodes critiques sont liés aux Britanniques longtemps maîtres des Océans. L’indépendance du Sénégal se dessine ; Gorée sera désarmée.