Le grand remplacement : réalité ou intox ?

Recension rédigée par Jacques Legendre


            Jean-Paul GOUREVITCH prend un risque. Celui de s’inscrire dans la lignée de Renaud Camus qui a développé la théorie selon laquelle la population française, de tradition chrétienne, serait progressivement remplacée par une population musulmane avec la complicité des pouvoirs publics.

            Auteur de « profession démago » (2008) mais aussi de « l’islamo-business vivier du terrorisme » (2016) et des « véritables enjeux des migrations » (2017), Jean-Paul GOUREVITCH ne craint pas la polémique mais il a compris qu’il doit argumenter, analyser à l’aide d’une méthodologie aussi scientifique que possible. Dès le titre de l’ouvrage, il se place en mode interrogatif : « réalité ou intox ? » et il commence par expliquer sa méthode d’analyse.

            Il rappelle d’abord l’histoire du concept du « grand remplacement » et le parcours de Renaud Camus, électeur de François Mitterrand en 1981 et de noël Mamère en 1988 que ses prises de position ont déporté à l’extrême-droite. Cette évolution, Jean-Paul GOUREVITCH la retrace en rappelant la polémique qui a opposé Camus à des contradicteurs situés à gauche.

            Jean-Paul GOUREVITCH se livre ensuite à une analyse quantitative puis qualitative de l’Islam en France et s’interroge sur l’islamisation des « territoires perdus de la République. Il présente enfin des scénarios alternatifs à la théorie du « grand remplacement ». En conclusion, il… s’interdit de conclure tout en présentant quelques pistes de « désintoxication ».

            Ces hésitations traduisent l’embarras, la prudence de l’auteur. Il y a des concepts qui déchaînent les passions. Aux emportements, il veut substituer l’analyse, le recours aux sources vérifiées et revérifiées. Il a sûrement raison.

            Mais il ne peut que constater la difficulté de l’exercice. D’abord, la loi interdit de réaliser certaines enquêtes, de rendre publiques certaines statistiques. Et les scientifiques, à commencer par ces savants statisticiens de l’INSEE, ne semblent pas exempts, parfois d’à priori idéologiques. L’avalanche de chiffres cités par Jean-Paul GOUREVITCH rend difficile la lecture de son exposé. Et il lui arrive parfois, à lui aussi, de brandir des chiffres qui ne semblent pas documentés, par exemple à propos du coût de l’immigration pour les collectivités.

            Au long des paragraphes, l’ouvrage semble s’infléchir vers la mise en cause d’un type d’immigration, celle qui vient du monde musulman.

            On aimerait qu’il rappelle d’avantage que les migrants, s’ils sont majoritairement des subsahariens, sont loin d’être tous musulmans. Certes, les Maliens et les Nigériens le sont. Mais les Ivoiriens, les migrants venus du Nigéria, d’Erythrée, de République Démocratique du Congo ou d’Ethiopie sont loin de l’être tous.

            Il y a un réel problème de pression migratoire aux portes de l’Europe. Mais traduit-il une poussée voulue et délibérée de l’Islam ? Ou plus simplement une pression d’un continent en développement mais aussi en pleine expansion démographique en direction d’un continent en voie de dépopulation ?

            L’auteur n’a pas voulu conclure, même s’il ne cache pas sa préoccupation face à l’extension des « territoires perdus de la République » et aux effets sur la société française de l’expansion de l’Islam. Mais il évoque aussi d’autres scénarios possibles que le « grand remplacement ». Ces scénarios alternatifs auraient gagné à être plus développés.

            Ce livre appelle à une prise de conscience des dirigeants politiques et des citoyens et a le mérite de dénoncer les faux-fuyants qui empêchent une claire connaissance du problème.

            Pour définir une réponse sérieuse et réfléchie aux problèmes posés par la pression migratoire, il faut avoir en main toutes les données chiffrées, sociales, économiques et géopolitiques. Il est temps de regarder en face un problème majeur de notre temps.