L'Algérie des Européens au XIXe siècle : naissance d'une population et transformation d'une société

Recension rédigée par Jean Nemo


Nous avons ici un ouvrage de démographes, dont l’un plus spécialement connu pour ses travaux démographiques sur l’Algérie. La collection à laquelle il appartient a pour objectif « d’accueillir et de promouvoir le dialogue entre les démographes et les spécialistes de la famille… ». Vingt-neuf numéros ont été publiés avant celui-ci. Donc avant tout, un ouvrage scientifique au bon sens disciplinaire du terme, avec de très nombreux graphiques, tableaux et cartes. Mais aucune photo.

En deux parties, elles-mêmes subdivisées en quinze chapitres, les auteurs abordent l’installation des Européens qui aboutit « à la naissance d’une nouvelle population et à un bouleversement pour la société indigène ». Puis il est traité des « comportements matrimoniaux des Européens et des Israélites dans les villes algériennes », aboutissant à une société segmentée.

Dans leur conclusion, les auteurs soulignent l’enracinement des Européens, leurs segmentations et la hiérarchisation générale des sociétés.

Dans une annexe, ils expliquent les modalités de leur enquête, de l’échantillonnage auquel ils ont dû procéder, comment ils ont traité l’histoire et les états-civils des Israélites avant et après les décrets Crémieux qui en ont fait des citoyens français.

Il est évidemment impossible de résumer un tel compte-rendu d’enquête disciplinaire. Le lecteur qui disposera de bonnes connaissances de la démographie en général, accompagnées sinon d’une pratique mais d’une bonne connaissance des règles d’échantillonnage et de recherches sur archives, trouvera grand intérêt à la lecture de cet ouvrage. Le lecteur moins familier de ces pratiques disciplinaires lira néanmoins avec attention l’introduction, qui explique objectifs et méthode de la recherche et la conclusion. Laquelle déclare notamment que les premiers colons européens étaient, selon Bugeaud, « la lie de tous les peuples de Méditerranée », explique que l’endogamie y était fréquente dans les premières décennies, puis disparut progressivement avant la fin du XIXe siècle, grâce notamment à l’école.

Dans la même conclusion, les auteurs regrettent la rareté et les erreurs de la recherche sur ces Européens du XIXe siècle.

Comme d’usage dans un tel ouvrage, l’appareil critique est de bonne qualité. Pour qui a pratiqué peu ou prou ce genre d’enquête démographique et/ou sociologique – tel est le cas du rédacteur de la présente note de lecture – ce compte-rendu est un modèle du genre, il ouvre en outre des pistes de recherches futures. Pour le lecteur moins averti, on lui conseillera de parcourir l’ouvrage un carnet de notes sous la main.