Nos chers espions en Afrique

Recension rédigée par Yves Boulvert


            Les deux journalistes-auteurs estiment que nos « chers espions » ont souvent pensé qu’ils connaissaient mieux l’Afrique que les Africains. Ces dernières années, sur ce terrain, on est passé en France d’un système intégré d’État à une privatisation partielle du renseignement. On soutient toujours des « présidents chouchous » (anciens militaires, francs-maçons) qui ont désormais leurs propres services de renseignement et qui surtout font appel aux sociétés privées de sécurité, comme le font aussi les grandes entreprises. Loïc Le Floch-Prigent d’ELF disait : « Les Corses d’Afrique ont été ... l’alpha et l’oméga de la politique et du renseignement en Afrique centrale pétrolière ».

            Aux anciens concurrents anglais, russes, américains, s’ajoutent désormais les Chinois, Israéliens, et même les Marocains. La cybercriminalité devrait vivement progresser.

            La DGSE a remplacé le SDECE, de même que la DST est devenue DGSI. Leurs agents peuvent se trouver en rivalité comme l’ont montré des problèmes surgis à l’occasion de prises d’otages, pour lesquels – selon la doctrine officielle – « La France ne paye pas pour obtenir la libération d’otages », l’État étant pris au piège entre ne pas alimenter le terrorisme et ne pas abandonner ses otages. En raison du dogme « Confidentiel - Défense », certaines affaires demeurent obscures. Citons l’assassinat du président Sankara au Burkina Faso (1987), certaines actions de militaires français au Rwanda (1994), le meurtre du Juge Borrel à Djibouti (1995) ...

            Cet ouvrage reprend des phrases incantatoires trop souvent lues et entendues : « L’Afrique regorge de ressources minérales et de terres arables encore inexploitées ». Certes, mais cette richesse potentielle est pour l’instant entravée par l’enclavement de certains pays, le coût du transport, et l’insécurité. Quant aux sols latéritiques anciens, ils sont souvent érodés, appauvris et indurés en carapaces ou cuirasses (bowé) !

            Les deux auteurs ont cependant le mérite de soulever le voile d’un monde parallèle par nature secret et de signaler certains dysfonctionnements dus à des rivalités intestines entre services homologues. L’ironie un peu surannée du titre souligne l’ambiguïté du rôle de « nos chers espions », en même temps que la nécessité de leur action dans un monde complexe, et les attentes dont ils sont porteurs particulièrement en Afrique.