Mélanges en l'honneur de l'historien Gilbert Meynier

Recension rédigée par Jacques Frémeaux


Avec Gilbert Meynier (1942-2018) disparaît un des très grands historiens de l’Algérie, à l’étude de laquelle il avait consacré toute son œuvre, tout en échappant aux pièges de la spécialisation, grâce à sa très vaste culture, à ses exigences spirituelles, à sa conscience des problèmes humains et sociaux, et à un très vaste réseaux d’amitiés et de complicités intellectuelles.

Dans une première partie de l’ouvrage, plusieurs contributions rappellent les divers épisodes de sa carrière, depuis la Faculté de Lettres de Lyon jusqu’à son retour dans cette ville, lors de ce qu’il serait absurde d’appeler une retraite après plusieurs années formatrices en Algérie, puis trente ans d’enseignements à l’université de Nancy. Les différentes contributions de l’ouvrage rappellent que l’œuvre de Gilbert Meynier repose sur deux livres fondamentaux : L’Algérie révélée (1981, rééd. 2015) et L’Histoire intérieure du FLN (2002). Les perspectives de l’historien s’étaient ensuite élargies, avec un retour sur les origines de l’histoire nord-africaine, préoccupation déjà concrétisée dans deux ouvrages récents (L’Algérie des origines de la préhistoire à l’avènement de l’Islam, 2007 ; L’Algérie, cœur du Maghreb classique, 695-1518, 2010), ouvrage qu’il souhaitait prolonger pour la période allant de 1518 à 1830. Il convient aussi de souligner la place occupée par Gilbert Meynier dans une entreprise ambitieuse de réécriture de l’histoire algérienne : qu’il suffise d’évoquer le colloque organisé en 2006 à l’ENS de Lyon Pour une histoire franco algérienne. En finir avec les pressions officielles et les lobbies de mémoire, toujours consultable en ligne sur le site de l’ENS, et plus récemment avec Tahar Khalfoune Repenser l’Algérie dans l’histoire. Essai de réflexion, 2013.

Une seconde partie du recueil se compose de cinq articles écrits à partir de travaux de Gilbert Meynier, destinés à en montrer tout ce qu’ils ont représenté en matière de progrès du savoir historique, mais aussi de stimulation pour les plus jeunes historiens, Algériens, Français et, de plus en plus, originaires d’autres pays. L’apport de l’œuvre sur les origines du nationalisme algérien est ainsi interrogé à partir de la réflexion sur la Grande Guerre (Ahmed Henni), ou bien du recours par le FLN concept de Résistance forgé en France pendant la Seconde guerre mondiale (Sylvie Thénault).

Une troisième partie, relevant plus précisément du genre des mélanges, consiste en neuf  articles écrits sur l’histoire algérienne. On en retiendra entre autres une étude pénétrante d’Omar Carlier sur la khâgne d’Alger (1929-1962), et un essai sans concession de Tahar Khalfoune sur ce qu’il faut ou faudrait entendre par « réforme de l’Islam ».

Au total, on dispose là d’une publication importante. Il est seulement dommage que le livre destiné à rendre hommage à Gilbert Meynier ne donne qu’une liste succincte de ses ouvrages principaux, et omette toutes les publications, notices ou participations qui témoignent de son souci de suivre et de faire connaître l’ensemble des productions historiques, avec un esprit critique toujours aiguisé, non dépourvu pourtant de bienveillance. Malgré tout, s’ils ne prétendent pas dire tout ce qu’exigerait une œuvre si ample, ni pouvoir rassembler tous ceux qui voudraient témoigner de leur reconnaissance à Gilbert Meynier, cesMélanges constituent un hommage digne de lui.