Des complots aux Comores : une stratégie politique au c

Recension rédigée par Marc Aicardi de Saint-Paul


L’archipel des Comores est sans doute l’un des plus petits pays du monde à avoir suscité tant de convoitises de la part de puissances étrangères, alors qu’il ne recèle quasiment pas de matières premières. Mais sa situation hautement stratégique, en plein canal du Mozambique peut à elle seule l’expliquer.

Thoueybat Saïd Omar-Hilali analyse les luttes d’influences auxquelles cette poussière d’iles et d’ilots a été confrontée depuis la première présence arabe, remontant au XIIe siècle. Portugais, Omanais venus de Zanzibar, Britanniques, puis Français ont tenté, soit par des accords diplomatiques, soit par la force, de prendre possession de ces territoires dont la richesse était limitée à l’esclavage, à la traite et surtout à sa situation géographique sur la route des Indes, tout comme sa proximité avec la Réunion et Madagascar.

La fin de la seconde guerre mondiale, puis la Conférence de Bandung en 1955 déclenchèrent le compte à rebours de la chute du colonialisme européen. Dès lors, deux blocs antagonistes se faisaient face, ce qui eut des répercussions importantes partout dans le monde et en particulier dans les territoires africains sous tutelle. L’archipel ayant accédé au statut de Territoire d’Outre-Mer (TOM) en 1946 ne fut pas épargné par les influences socialisantes émanant du Président tanzanien Julius Nyerere, créateur de l’« Ujamaa », puis provenant de la Chine communiste. L’indépendance de l’archipel étant inévitable, à la fin du septennat du Président George Pompidou, deux clans essayèrent d’influer sur sa destinée : le Premier ministre Pierre Messmer qui se considérait comme le gardien des derniers « confettis de l’Empire », s’opposa au missi dominici du Général De Gaulle en Afrique, Jacques Foccart. La politique qu’il prônait se « basait le plus souvent sur des dossiers avec des raisons subjectives, particulièrement claniques ». L’auteur relate cette période qui vit une question relative aux conditions de l’accession (tardive) à la souveraineté d’un territoire comme les Comores faire autant débat au sommet de l’État, si l’on excepte celle de l’Indochine et de l’Algérie.

Une fois l’indépendance proclamée unilatéralement le 3 août 1975, allait débuter une série de coups d’États. Ils sont relatés chronologiquement, méthodiquement avec force détails, et c’est d’ailleurs ce qui fait la richesse de cette publication. Rares en effet sont les personnes susceptibles de pouvoir analyser les rapports de force entre leaders commoriens, tant les allégeances sont multiples. Il en va de même pour le cercle très fermé des décideurs français en capacité d’influer sur le cours des événements dans son ancienne colonie. La question de la transformation de Mayotte n’étant pas éludée pour autant.

Le rôle joué par Bob Denard et ses mercenaires, pendant des décennies est examiné sous tous ses angles : collusion avec des hommes politiques comoriens, influence en sous-main des « services » et des conseillers Afrique à Paris ; rôle de l’Afrique du Sud blanche qui souhaitait contrôler cette voie maritime stratégique ; et enfin intervention des troupes françaises pour déloger Bob Denard et ses hommes qui s’étaient remis en selle aux Comores lors d’un dernier coup d’État.

L’intérêt majeur de cet ouvrage, outre la précision avec laquelle sont relatées ces décennies d’instabilité aux Comores, est qu’il n’hésite pas à mettre en lumière l’absence de sens de l’État des dirigeants comoriens ; d’autant plus que bien souvent ils n’hésitèrent pas à faire intervenir les mercenaires afin de prendre le pouvoir et de le conserver pour leur plus grand bénéfice.