Thierno Mahmoûdou Lâriya, 1850-1925 : le juge, l'imam et l'ascète de Labé

Recension rédigée par Stéphane Valter


La préface du professeur émérite Bernard Salvaing donne une belle idée du projet personnel de l’auteur : « En écrivant la vie de son arrière-grand-père Thierno Mahmoûdou Lâriya, l’auteur de cet ouvrage a d’abord voulu, c’est évident, sauvegarder une partie de sa mémoire familiale. […] Mais cet ouvrage est également sous-tendu par le projet plus ambitieux “de découvrir et de partager l’univers de vie” d’un grand lettré du Fouta-Djalon d’autrefois, et d’engager le lecteur d’aujourd’hui dans cette aventure intellectuelle. » Et plus loin : « Ce dépaysement intellectuel sera pour les jeunes lecteurs guinéens un outil de ressourcement, et pour le lecteur européen un moyen d’empathie utile précédant la distanciation inévitable. » Comme le dit le professeur B. Salvaing, le livre tient lieu de « formidable outil documentaire ». Mais c’est peut-être, à travers cette description laudative, et également justifiée, que le bât blesse un peu.

            Le livre est formellement bien écrit mais on distingue quand même ici et là des erreurs de langue, qui ne sont toutefois pas rédhibitoires. Des photographies d’époque et aussi plus récentes (parfois en couleur), des fac-similés de documents, des traductions de poèmes, des cartes, etc., agrémentent très utilement la lecture.

            L’auteur nous apprend que son arrière-grand-père faisait partie de l’aristocratie du livre, de la houlette et de la lance. Il était donc un lettré versé dans les lettres arabes classiques, un éleveur et un agriculteur peul, un chef militaire ayant participé à quelques expéditions pour la propagation de l’islam.

            Pour rédiger la biographie de feu son aïeul, l’auteur se base sur plusieurs sources, fort intéressantes : les écrits des contemporains, les archives de l’administration coloniale, les notes et manuscrits provenant des archives familiales, les sources orales. Un autre intérêt de l’ouvrage est qu’il offre des mots peuls et arabes, translittérés (selon le système de la conférence de Bamako en 1966 pour le peul, et celui de la revue Arabica pour l’arabe) et traduits.

            Le chapitre 1 s’intitule « Les racines ». Le Fouta-Djalon, région située au centre de l’actuelle Guinée, est présenté sous l’angle historique des diverses migrations venues du Sénégal et du Mali, de la présence de l’islam versus celle du fétichisme, des origines nomades ou sédentaires des populations.

            Le chapitre 2 s’intitule « La naissance ».

            Le chapitre 3 a pour titre « Éducation et jeunesse ». On y trouve (ainsi qu’ailleurs dans le livre) des textes en peul (autant que le rédacteur du présent compte rendu puisse le savoir), écrits en caractères latins et translittérés, traduits en français.

            Dans le chapitre 4, « Le guerrier », une photographie du sabre de guerre de Thierno Mahmoûdou Lâriya est présentée.

            Le chapitre 5, « L’enseignant », et 6, « L’imam », montrent clairement toutes les connaissances intellectuelles de TML dans le domaine des études coraniques, et arabes classiques de manière plus générale.

            Le chapitre 5, « Le juge », rappelle les ambivalences et états d’âme de TML, entre activité professionnelle (parfois obligée) et convictions personnelles. Un temps magistrat au service de l’administration coloniale, TML se distingua par son honnêteté et sa noble personnalité, car il distribuait aux pauvres son salaire de juge, estimant qu’il ne devait recevoir aucune rétribution pour rendre la justice selon les prescriptions coraniques, et qu’il n’attendait de récompense que de Dieu. Un intérêt de ce chapitre est qu’il présente quelques aspects du fonctionnement de l’administration coloniale.

            Le chapitre 8 s’intitule « Thierno Mahmoûdou et le régime colonial ». Le chapitre 9, « L’ascète ». Le chapitre 10, « Descendance de Thierno Mahmoûdou ». Le chapitre 11, « Thierno Mamadou Woûri Lâriya, le fils successeur ». Le chapitre 12, « Écrits des érudits du Fouta-Djalon sur Thierno Mahmoûdou ». Puis viennent (p. 203) les références bibliographiques.

            Et enfin les annexes (p. 209) : annexe 1, « Note de Thierno Mahmoûdou sur ses ancêtres » ; annexe 2, « Notice de Thierno Mahmoûdou sur l’origine des Peuls » ; annexe 3, « Récit de la migration des aïeuls de Thierno Mahmoûdou, du Maasina vers le Fouta-Djalon » ; annexe 4, « Expéditions effectuées pour l’instauration de l’islam au Fouta-Djalon » ; annexe 5, « Catalogue de quelques manuscrits de la bibliothèque de Thierno Mahmoûdou » ; annexe 6, « Jugement pour un problème domanial réalisé par Thierno Mahmoûdou » ; annexe 7, « Jugement à propos d’un mensonge, par Thierno Mahmoûdou » ; annexe 8, « Note sur l’entrée des Français au Fouta-Djalon » ; annexe 9, « Nomination de Thierno Mahmoûdou / Journal officiel de la République française » ; annexe 10, « Poème de Thierno Saliou Ibn Alfâ Oumar Rafiou Daaré-Labé » ; annexe 11, « Poème de Thierno Aliou Boubha N’Dian » ; annexe 12, « Poème de Thierno Oumar Pereejo et de Thierno Ibrahima Compaya » ; annexe 13, « Arbre généalogique des descendants de Mawndé, ancêtre de Thierno Mahmoûdou ». Et le livre se termine par la table des matières.

            On le remarque : ce livre est documentaire et en ce sens fort intéressant. Par contre, l’approche critique, analytique, comparatiste, théorique, fait totalement défaut. Mais tel n’était visiblement pas le dessein de l’auteur.