Technique du peuple annamite

Recension rédigée par Bernard Dupaigne


Cet ouvrage monumental est la réimpression à 2 000 exemplaires sur papier, et 1 000 exemplaires d’une version numérique, de l’ouvrage publié en 1909 à Hanoi, à 60 exemplaires tirés artisanalement sur des bois gravés et sur des papiers locaux façonnés à la main. L’auteur avait mis à profit son service militaire, en 1908-1909, pour parcourir les rues de Hanoi, accompagné de dessinateurs, pour fixer les métiers de la rue et de la campagne, faisant de son travail un témoignage inestimable.

Le personnage, qui n’avait que 24 ans, était attachant. Il prônait une « réforme morale et intellectuelle » au Vietnam où n’étaient pas en poste que des administrateurs français de qualité et portés vers l’avenir et la valorisation des « indigènes ». Cette attitude ne lui a pas laissé que des amis, et il eut toutes les peines du monde à faire éditer son ouvrage : il n’y parvint que grâce à une souscription au Vietnam.

L’ouvrage présenté ici est en trois tomes reliés, comportant 4 200 dessins et photos, en 700 planches. La réédition est intégrale, y compris des considérations datées sur les jalousies locales, qui nous sont lointaines. Des coupes auraient été utiles, ainsi que des tables de planches actualisées. La belle présentation de cet ouvrage en fait une curiosité rare, alors qu’on aurait pu choisir de le préparer sous une forme plus accessible, y compris pour le public vietnamien.

Le premier tome est en version trilingue, français, anglais, vietnamien, ce qui l’alourdit considérablement, alors que les publics sont bien distincts. Les légendes des deux autres volumes, aux pages non numérotées, étant uniquement en vietnamien, les dessins en restent un peu hermétiques. Mais les spécialistes se délecteront des tournures anciennes et de l’étude des différents caractères gravés, chinois et vietnamiens.

Saluons cet effort méritoire de réédition de cet ouvrage historique, mais qui reste loin du résultat espéré, faire connaître et apprécier les techniques et l’artisanat pratiqués à Hanoi. Ces trois volumes pèsent cinq kilos. Qui est encore assez jeune pour manier facilement une telle masse ? Vivement un volume de poche, raccourci, épuré, actualisé, recomposé, aux dessins légendés et regroupés par sujets ! Tels qu’ils sont, les volumes s’adressent surtout aux érudits vietnamiens maîtrisant les caractères chinois anciens. Ils se font de plus en plus rares.