Marhaba : grand manuel d'arabe

Recension rédigée par Stéphane Valter


Un manuel de langue arabe de plus ? Oui dans un sens, mais surtout non dans un autre, car ce nouveau manuel marque un progrès irréfragable dans l’approche pédagogique, qui avait certes été améliorée depuis des années mais demeurait néanmoins largement perfectible pour cette langue (il y a toujours eu un retard de conception pédagogique pour l’arabe, en comparaison avec d’autres langues, européennes par exemple). Outre les explications qui vont suivre, il faut dire d’emblée qu’un point positif du livre tient en la présentation formelle aérée et agréable, contrairement à certains manuels (pas si anciens d’ailleurs) qui rebuteraient même les jésuites les plus motivés.

Cette nouvelle méthode comprend quatre éléments : une introduction (p. 9-20) qui indique à qui s’adresse l’ouvrage, ce que la langue française doit à la langue arabe, les locuteurs de l’arabe, les rapports (et les différences) entre langue et religion, la polyglossie et les dialectes, etc.

Le second élément est le livret d’apprentissage de l’écriture (p. 23-122), avec une progression pédagogique adéquate, testée à travers une longue pratique empirique, en plus d’exercices corrigés. L’apprenant (sérieux s’entend) sera en mesure, après quelques heures, de comprendre comment fonctionne cette langue consonantique, avec ses voyelles longues (écrites) et brèves (en général sous-entendues), de même qu’il pourra prononcer tous les phonèmes, chaque son étant en arabe associé à une lettre, et vice versa, ce qui peut faire dire que l’écriture arabe est en fait relativement facile (comparée par exemple au français où l’orthographe est souvent aléatoire, sans réelle adéquation entre graphie et prononciation).

Le troisième élément (p. 124-505) constitue la partie centrale : vingt dialogues / récits répartis en dix leçons. Chaque texte est présenté en langue arabe, avec translittération (phonétique), traduction, lexique et considérations grammaticales. Chaque leçon est complétée par de nombreux exercices dont les corrigés se trouvent à la fin du livre. Hormis la langue elle-même, plusieurs informations de nature civilisationnelle sont mises à la disposition du lecteur. Ces informations en histoire, traditions populaires, littérature, arts, etc., permettent à l’apprenant de se constituer une culture générale en relation avec le monde arabe et islamique, car il est entendu qu’on ne peut apprendre une langue sans connaître la culture qu’elle véhicule. Voici les thèmes abordés dans les dix leçons : saluer et se présenter ; interroger et dire l’action ; exprimer ses désirs ; se repérer dans le temps et l’espace ; passé, présent, futur ; décrire et raconter ; exprimer son opinion ; exprimer ses sentiments ; voyager et communiquer ; supposer et se souvenir. Ces thèmes conjuguent l’aspect pratique de la communication quotidienne de même que le bagage culturel (tant général que précis) que l’apprenant est censé posséder à terme.

Viennent ensuite les exercices corrigés (p. 507-563). L’ouvrage se termine par une partie sur cent racines de la langue arabe (p. 565-584), ce qui constitue une sorte de dictionnaire en miniature. Notons que le nombre des racines est infiniment plus élevé, mais toutes les potentialités lexicales ne sont bien sûr pas utilisées dans la langue courante.

On rappellera à ce propos que l’arabe (comme d’autres langues sémitiques) est une langue dont le lexique peut être classé par racines, en général trilitères, chaque racine étant elle-même associée à un champ sémantique. Il arrive aussi qu’une racine possède deux (voire plus) champs sémantiques, mais en règle générale, dans la langue usitée, une racine renvoie à un champ lexical, et inversement.

Le dernier élément du manuel est le suivant : des fichiers audio des textes arabes, téléchargeables en ligne, et constitués des dialogues des leçons, d’exercices oraux et de textes en rapport avec la civilisation. Voici donc en quelques mots la composition de ce nouveau manuel qui, les habitués le remarqueront, se distingue de ses prédécesseurs par sa qualité.

Sans remonter aux premiers manuels de langue arabe pour non-arabophones, du début / milieu du XXe siècle, qui ont naturellement fait leur temps et que l’on ne regrettera pas malgré leur utilité, le temps d’une utilité, on peut rappeler que plusieurs outils pédagogiques répondant aux critères attendus de qualité didactique sont apparus à partir des années 1980. Inutile d’en faire la liste (en ce qui concerne les manuels, grammaires, lexiques et autres ouvrages publiés en français pour les apprenants de l’arabe). Tous ces outils ont été bénéfiques, et certains continuent à être mis à profit. Mais beaucoup ont été obsolètes peu de temps après leur parution, voire même avant...

Quant à Marhaba, quel que soit l’intérêt que l’on pourra porter aux progrès de la didactique, il ne sera point  dépassé.