Oser et réussir ! 75 aventures d'entrepreneurs dans l'Afrique de CFAO, 1852-2016

Auteur Raymond Lehideux-Vernimmen
Editeur l'Harmattan
Date 2022
Pages 324
Sujets Histoire-Commerce-Afrique-XIXe-XXe-XXIe siècle
Cote 67.409
Recension rédigée par Yves Boulvert


« Oser et réussir ! » relate les 165 années de 1852 à 2016, de la compagnie C.F.A.O., à partir de 75 témoignages vivants, rédigés ou racontés. Après avoir évoqué, dans la première époque : « Le souffle des pionniers, 1820-1886 », et notamment le fondateur, C. A. Verminck qui, à 16 ans, fut embarqué pour l’Afrique anglophone, l’auteur montre, dans la deuxième époque : « Dans les vagues des progrès, 1887-1913 », comment la firme passa de la « troque-sous-voile » à l’économie monétaire en 1887, et fut pionnière de la distribution automobile. Accompagnant les progrès techniques, la C.F.A.O. comprit l’importance novatrice du câble sous-marin puis de l’utilisation du langage morse et du chiffrage propre à la maison, premiers pas annonciateurs du réseau télex.

Dans la troisième époque : « Routine à terre, 1914-1938 », la firme participe au lancement de la « Croisière Noire Citroën », mais c’est avec l’exploit américain de la Ford T qu’elle devient en 1924, leader de la distribution automobile en Afrique. Ainsi, est créée, en 1925, à Abidjan, la première usine de montage automobile en Afrique. Après la première guerre mondiale, se multiplient les investissements. J. F. fait planter 60 000 caféiers, 33 000 cocotiers et 24 000 cacaoyers. Mais sur le plan personnel, le régime est dur : les expatriés ne doivent pas sortir de leur popote, la nuit, pour des raisons sécuritaires, disciplinaires et sanitaires ! Le slogan-maison est la recherche du profit, et le premier devoir : satisfaire la clientèle et rémunérer le capital.

La quatrième époque est intitulée « Face à l’ouragan, 1939-1945 ». Les bouleversements extérieurs secouent le calme des factoreries.  C’est ainsi qu’en 1941, L.C. doit, depuis Marseille, regagner Dakar, son poste d’affectation, soit 6 600 km de pistes tous terrains. De même, en 1943, ayant obtenu un congé sanitaire, J.B., faute de pouvoir regagner la métropole, part pour l’Afrique du Sud, d’abord en empruntant un hydravion qui relie alors le Sénégal à Pointe-Noire. Pour la suite, il devra se rabattre sur les transports en commun : trains ou chalands au Congo,  sur le Kasaï. Après trois mois de transports aussi variés qu’épuisants, il trouve à l’arrivée un ordre de rappel d’urgence. Il ne lui reste plus qu’à reprendre la même voie pour rentrer !

 Les sixième et septième époques (1898-1960 et1965-1988) correspondent sommairement aux Trente Glorieuses : « Un paradis pour le business ». La huitième époque est intitulée « La Dérive des Continents, 1967-1983 ». En 1972, on dénombre déjà une trentaine de coups d’Etat et une quinzaine de guerres civiles. La guerre du Biafra, qui réclame son indépendance au Nigeria, est la plus sanglante.  Les agents C.F.A.O. de cette province doivent s’exfiltrer.  P.O. relate qu’il lui fallut trois tentatives infructueuses avant de gagner le Cameroun ! Fin 1977, le couronnement du maréchal Bokassa, autoproclamé empereur, est ubuesque, tandis qu’en Ouganda,  Idi Amin Dada se proclame tout simplement roi d’Écosse !

La neuvième époque est dite « Vagues scélérates, 1987-1998 ».  A partir de 1979, on assiste à la descente aux enfers du Liberia, bientôt suivi de la Sierra Leone, tandis que la violence urbaine envahit Lagos.  En 1998, un agent y atterrissant de nuit, emprunte l’autoroute. Bloqué par une voiture en flammes, il est entièrement dévalisé ainsi que son assistante par des malfrats Yorubas drogués. « Cette nuit-là, on dénombre une vingtaine d’agressions meurtrières ». À Brazzaville, en 1997, les « Cobras » de Denis Sassou Nguesso s’opposèrent aux « Zoulous » du président élu, P. Lissouba. « Le centre-ville aux 10 000 morts est à l’image de Beyrouth en 1990 ».

La dixième époque correspond au « Passage de la Ligne, 1999-2016 ».  Après le décès de Félix Houphouët-Boigny, Henri Konan Bédié, le Général Guéï et Laurent Gbagbo se disputent le pouvoir. A Abidjan, l’agent F.M. constate que le garage de la C.F.A.O. a été dévasté et 128 voitures volées ! Heureusement, la plupart seront récupérées grâce aux numéros des châssis !

Aux XXIe siècle, le monde évolue vite ; de nouvelles branches se raccordent au groupe C.F.A.O. L’africanisation des cadres, entreprise tardivement, s’accentue. On découvre dans un fragment de récit que la situation des cadres commerciaux en Afrique, dans la moiteur tropicale, n’est pas toujours de tout repos.

 Cet ouvrage qui pourrait être aride se lit facilement. Il est en outre bien présenté et bien illustré. Le choix de la belle aquarelle de Philippe Letestu représentant un grand voilier toutes voiles dehors, tout comme le Carnet de Bord en lieu et place de table des matières, introduisent bien la métaphore marine de l’intrépidité et de la volonté de vaincre les difficultés qui sont les qualités intrinsèques de l’esprit d’entreprise dont la C.F.A.O. a su faire preuve en plus d’un siècle et demi ( 1852-2016) sur les terres africaines. Cet ouvrage est une somme de cas particuliers originaux qui tous ont concouru, comme le dit l’auteur, à une grande « Aventure entrepreneuriale », autrement dit à une remarquable réussite humaine.