De l'ALN à l'ANP : la construction de l'armée algérienne, 1954-1991

Recension rédigée par Jacques Frémeaux


Ce livre constitue la version actualisée de l’ouvrage publié en Algérie sous le même titre en 2018, ouvrage lui-même issu de la thèse de Saphia Arezki soutenue à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne en 2014 sous la direction du professeur Pierre Vermeren. Au texte proprement dit (environ 250 pages) s’ajoutent une trentaine de pages d’annexe (dont un répertoire biographique, riche d’environ quarante notices, des principaux militaires étudiés), et une intéressante note méthodologique. Au total, il s’agit donc d’une publication particulièrement soignée.

Le titre résume bien l’ambition de l’auteur : montrer les origines de l’armée algérienne (ou ANP, Armée nationale populaire), à partir de la guerre d’indépendance jusqu’à la veille de la guerre civile et de la « décennie noire ». L’approche, essentiellement prosopographique, définit trois classes d’âge successives : les cadres issus des premiers maquis ; puis des hommes plus jeunes, soit venus de l’ALN (Armée de Libération nationale, force militaire du Front de libération nationale), soit de l’armée française ; et enfin, des officiers qui rejoignent l’armée après l’Indépendance. L’origine de cette armée est à rechercher dans les troupes créées à partir de 1956-1957, en territoire marocain et surtout tunisien, aux frontières de l’Algérie alors contrôlée par les troupes françaises. L’étude insiste justement sur le rôle fondateur du colonel, chef d’état-major, puis président, Houari Boumediene, qui fut capable, pour constituer un ensemble solide, ossature du régime, d’imposer la fusion d’éléments variés : anciens officiers de l’armée française passés au FLN durant la guerre, cadres sortis des camps d’entraînements, puis des académies militaires arabes, puis des académies militaires soviétiques, mais aussi formés en France après 1962.

Ce livre n’a pas l’ambition d’étudier la place de l’armée dans le système politique algérien, dont elle constitue le pivot. Arrêté à la date de 1991, il ne pouvait naturellement étudier la manière dont le corps des officiers a réagi aux années de crise survenues depuis cette époque. L’ouvrage ne s’intéresse pas non plus à la composition des armements, révélatrice des affinités de cette armée avec l’URSS, puis la Russie. L’étude prosopographique approfondie porte sur un échantillon limité par les sources d’environ 200 personnes, parmi lesquelles figure l’ensemble des hauts responsables militaires.  C’est donc une présentation de la direction de l’armée plutôt qu’une analyse d’ensemble de la société militaire algérienne qui nous est donnée ici.

Telle qu’elle est, la contribution de Saphia Arezki reste précieuse, par les analyses serrées qu’elle procure sur le recrutement bureaucratique des hautes instances d’une Algérie si proche et pourtant si éloignée des fonctionnements des sociétés politiques occidentales.