Édouard Brémond : l'anti-Lawrence d'Arabie

Auteur Rémy Porte
Editeur Lemme EDIT
Date 2022
Pages 251
Sujets Brémond Édouard
1868-1948

France

Biographie
Cote 66.579
Recension rédigée par Jacques Frémeaux


Le général Édouard Brémond (1868-1942) apparaît comme un exemple typique d’officier de l’armée d’Afrique, sorti de Saint-Cyr, puis officier de tirailleurs et formé dans la tradition des Bureaux arabes.

Sa carrière, presque toute passée hors de la métropole, y compris pendant la Grande Guerre, se compose de quatre épisodes. Les deux premiers se rattachent à l’expansion coloniale de la IIIe République. Il participa d’abord à l’expédition de Madagascar (juin-septembre 1895), dont le succès ne fut obtenu qu’au prix de pertes humaines qu’une politique sanitaire bien entendue (carence qui aurait pu être soulignée dans l’ouvrage) aurait sans doute évitée. Il se distingua ensuite dans les débuts de la conquête du Maroc, notamment en se consacrant à l’organisation des contingents marocains de 1907 à 1913, puis à leur incorporation dans l’armée française. Il tint un rôle encore plus remarquable au cours de la Grande Guerre, dans un Levant disputé à l’empire ottoman. Basé d’abord à Suez, puis à Port-Saïd (août 1916-décembre 1917), il assura en effet la coordination des deux missions françaises envoyées soutenir la révolte arabe dirigée contre les Turcs sous la direction du Chérif de la Mecque Hussein.

Il s’agissait respectivement d’une « députation politique », chargée d’établir des liens diplomatiques, et d’une mission militaire, composée exclusivement d’officiers musulmans, destinée à appuyer les contingents arabes.Avec de faibles moyens, d’autant plus médiocres que ce théâtre de la guerre intéressait peu les responsables de Paris, Brémond tenta néanmoins d’assurer sur ce terrain la présence française face aux ambitions britanniques, symbolisées par le personnage contesté du colonel Lawrence. Ces responsabilités furent suivies, de janvier 1919 à septembre 1920, de la direction de l’administration de la province de Cilicie, attribuée à la France en vertu des accords franco-britanniques, mais cible de l’armée turque renaissante sous l’impulsion de Mustapha Kémal. Brémond, pour s’être identifié avec l’entreprise, y gagna de nombreuses critiques, dont celle de se montrer trop attaché à la défense de la population arménienne, dont la politique française exigeait, avec plus de cynisme que de loyauté, l’abandon (un cas parmi d’autres…). Il alla, non sans courage, jusqu’à s’opposer au glorieux général Gouraud, haut-commissaire au Levant. Cela ne l’empêcha pourtant pas de terminer sa carrière comme général de brigade, ce qui fut loin d’être le cas pour tous ceux qui avaient suivi des itinéraires comparables, plus riches de travaux que d’occasions de briller dans les états-majors.

Il faut remercier le colonel Rémy Porte pour cette biographie d’un officier qui, sans occuper les tout premiers rangs, fut un des animateurs de la politique française outre-mer. Si sa réputation littéraire ne saurait être comparée à celle de Lawrence, cet arabisant, bon connaisseur de l’islam, laissa derrière lui une œuvre écrite des plus honorables, dont la lecture reste toujours intéressante, notamment celle du livre intitulé Le Hedjaz dans la guerre mondiale (1931), sorte de contre-point réaliste - et nécessaire - aux séductions poétiques des Sept Piliers de la Sagesse.