L'invention des classes moyennes africaines : enjeux politiques d'une catégorie incertaine

Auteur Dominique Darbon et Comi Toulabor (dir.)
Editeur Karthala
Date 2014
Pages 312
Sujets Classes moyennes Afrique Histoire
Cote 60.186
Recension rédigée par Philippe Hugon


Dominique Darbon et Comi Toulabor sont des anciens rédacteurs en chef de politique africaine et des chercheurs reconnus, membres du Laboratoire des Afriques dans le Monde (LAM) à Bordeaux. L’ouvrage rédigé sous leur direction interroge la pertinence de la catégorie de classe moyenne en vogue (notamment dans les contributions de Dominique Darbon) et la met à l’épreuve dans des pays africains (Ethiopie, Afrique du Sud (Soweto), Nigeria, Kenya, Ghana, Ouganda, Guinée et Togo.

La montée des classes moyennes est devenue, pour les organisations internationales et les sociétés d’études, à la fois le sésame du développement économique potentiel de l’Afrique et le facteur essentiel des transformations politiques et des aspirations démocratiques. Elles traduisent les mutations rapides liées à l’urbanisation, à l’expansion de l’éducation et de la formation, à l’amélioration du niveau de vie, aux nouvelles aspirations liées aux technologies et à l’ouverture sur le monde. Selon ces travaux, un nombre croissant d’Africains sort de la pauvreté extrême même s’il importe d’être prudent sur les chiffres annoncés. Selon la Banque mondiale, 1/3 de la population africaine rentre dans cette catégorie (entre 2 et 10 $ jour) avec 60% en bas de l’échelle (entre 2 et 4 £ jour).

Les auteurs visent à la fois à affiner la catégorie de classes moyennes et à la remettre en question ou du moins à la relativiser pour appréhender les dynamiques sociales africaines. Plusieurs sous catégories permettent de différencier les lower, middle, upper, floating proches du seuil de pauvreté. La labellisation de trajectoires individuelles agrégées en une catégorie statistique collective est une réponse aux analyses privilégiant la seule montée des inégalités ou à la recherche du missing middle.

Les chercheurs s’interrogent sur la pertinence de cette catégorie privilégiant les critères de revenu et de consommation et sur les enjeux politiques d’une labellisation de groupes supposés fonder la démocratie. L’hétérogénéité des cas présentés traduit également la diversité des réalités que recouvre cette catégorie. L’ouvrage, et plus spécialement les contributions de Dominque Darbon, sont très riches et très pertinentes avec grande rigueur analytique. Il me semble que les auteurs auraient pu également montrer en quoi cette catégorisation de classe moyenne retenant le critère du revenu n’intègre pas la détention du capital économique, social et culturel comme déterminant de l’appartenance à une classe sociale et encore moins de la prise en compte des consciences de classes et les actions collectives qui en résultent.

 



 
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