Stanley et les femmes de sa vie

Recension rédigée par Yves Boulvert


            Le sujet de cet ouvrage est inhabituel : on connaît mieux l’explorateur Stanley
(1841-1904) que sa vie sentimentale, tout en sachant qu’il ne fut pas gâté par la vie. Enfant bâtard, il fut rejeté par sa mère Liz Parry qui l’abandonna dans un hospice. Fuyant comme mousse aux Etats-Unis, il y croisa Alice Heaton et Annie Ward, ses premiers émois. A 26 ans, embauché à l’essai par le New York Herald, il couvre une campagne anglaise contre le négus éthiopien. Ce sera son premier contact avec l’Afrique. Lors d’une escale dans les Cyclades, il rêve à une jeune beauté grecque, Virginie Ambella. Bientôt il se fiance avec une jeune Galloise comme lui, Katia Gough-Roberts, mais il doit repartir pour l’inauguration du Canal de Suez en 1869, avant de se rendre dans l’Empire Ottoman, la Perse, les Indes Britanniques, puis à Zanzibar. C’est de là qu’il partira pour s’enfoncer à l’intérieur du continent africain à la recherche de Livingstone, dont on est sans nouvelles.

            De la côte orientale vers l’intérieur, l’accès par des savanes en altitude est beaucoup plus aisé qu’à partir de la côte occidentale où succède aux reliefs côtiers, la forêt dense humide. Pourtant le paysage traversé par Stanley est décrit par l’auteur en forçant le trait : « jungles si épaisses qu’aucun fauve ne pourrait y ramper, si résistantes qu’un éléphant ne pourrait les déchirer, des jungles infestées de miasmes fétides ... avec serpents et boas au-dessus de leurs têtes, scorpions et fourmis sous leurs pieds... » !

            L’ouvrage de Jacques Marzac s’inspire des travaux de l’académicien britannique Tim Jeal qui a pu avoir accès aux archives personnelles de Stanley acquises en 1982 et 2000 par le Musée Royal d’Afrique Centrale de Tervuren à Bruxelles. Manquent toutefois les références, au motif « de ne pas surcharger inutilement le texte, les nombreuses citations n’ont pas été systématiquement référencées », ce qui est inhabituel chez un historien.

            Jacques Marzac veut essentiellement rendre justice à Stanley qui a souvent été décrié par ses contemporains, la Gentry britannique l’accusant de brutalités sinon d’atrocités. L’auteur souligne que, sur les quatre grandes expéditions de Stanley, deux l’ont été pour porter secours à Livingstone disparu ou à Emin Pacha bloqué au Sud Soudan par la révolte mahdiste. La seconde en date voulait parachever l’œuvre géographique de Livingstone en poursuivant la descente du Lualaba qui se révéla être le Congo dont l’embouchure fut atteinte après 999 jours : « première traversée de l’Afrique d’Est en Ouest » en 1877 (cette traversée est plutôt due à Cameron en 1874-75. La troisième expédition fut menée pour conduire, en tant que salarié d’une « O.N.G. humanitaire » (l’Association Internationale Africaine du Roi des Belges Léopold II) « une titanesque tâche, à l’origine d’intérêt général » : l’ouverture au monde du bassin du Congo.

            Il y eut certainement au Congo Belge des actes de cruauté, voire de barbarie ; il paraît tout de même léger – sinon inconscient – de répéter sans preuves à l’appui (ne serait-ce que faute de recensement possible à ces dates pour les indigènes congolais, (p. 308) « qu’entre 1895 et 1904, ce sont au moins six millions de Congolais – jusqu’à dix millions selon certains auteurs – qui ont été massacrés, soit environ la moitié de la population du pays ». Ces chiffres sont énormes dans le contexte démographique de l’époque. Si Stanley était un homme rude, élevé à la dure, parfois brutal, il fut aussi un « intrépide fonceur » qui a révélé au monde l’immensité du bassin du Congo.

            En 1895, Stanley avait rencontré une jeune Anglaise de trente ans, célibataire, richement dotée, Dorothy Tennant ; au moment de repartir en mission, il lui adresse une proposition de mariage mais reçoit en retour une lettre de refus d’une « impitoyable cruauté ». Cinq ans plus tard, à trente-cinq ans passés, elle retrouve Stanley, désormais célèbre. Trois mois après ces retrouvailles, « elle » le conduit à Westminster pour leur mariage solennel. Il a quarante-neuf ans et une crise de maux d’estomac le contraint à rester assis ! Il lui reste quatorze ans à vivre.

            Cet ouvrage est agréable à lire et éclaire la personnalité de Stanley.

                                                                                                      



 
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