Marcel Vicaire : 1893-1976 : une vie, une

Recension rédigée par Henri Marchal


Un carton débordant d’archives révèle à Isabelle C -Vicaire la richesse de la vie de ses parents dont elle entreprend de faire le récit.

L’ouvrage s’ouvre par une préface de l’architecte Rachid Haloui qui résume le parcours marocain de Marcel Vicaire. L’avant-propos rappelle son inscription dans la lignée de ses parents et leur compagnonnage, dans l’amour des livres, avec Gabriel Hanotaux, qui fut le premier président de notre académie, dite alors des sciences coloniales (1923).

Isabelle Vicaire déroule la vie de son père en trois périodes à partir des correspondances de sa famille qui en donne un éclairage intime, vivant et coloré.

La Première période court de 1912 à 1923.

Son père, engagé volontaire malgré un handicap de santé, est bouleversé par les atrocités de la guerre qu’il découvre lors d’une longue hospitalisation. En 1918, il se remet à la peinture et à l’illustration. Reçu à l’École des Beaux-Arts, il voyage en 1921 au Maroc pour enrichir sa palette. Il y retournera grâce au prix de la compagnie maritime Paquet. Dès 1893, des sociétés artistiques, suivies par le ministère de l’Instruction publique, ses représentants outre-mer et des organismes privés, encourageaient les séjours d’artistes dans les colonies.

La Deuxième période couvre sa longue carrière marocaine de 1923 à 1958.

Il est recruté au Maroc comme inspecteur des arts indigènes auprès de Hubert Lyautey grâce à l’entremise de G. Hanotaux. Il est conquis par la splendeur du pays. Dans ses fonctions, il assiste Prosper Ricard, le directeur du Service des arts indigènes, créé à l’initiative du résident. H. Lyautey était particulièrement attaché à la défense et à la promotion du patrimoine marocain. La mission qui lui est confiée et dont il s’acquittera avec passion consiste à protéger et soutenir l’artisanat marocain. Les fruits de son action persévérante subsistent encore aujourd’hui puisque de tous les pays du Maghreb, le Maroc se distingue par la qualité de ses produits. Les lettres échangées donnent année après année la teneur de ses activités, de ses événements personnels, notamment son mariage avec Lucile Henry, de ses relations et des multiples aspects de la vie sociale locale, soit une abondance d’informations. En 1928, il est impressionné par l’entrée triomphale à Fès du nouveau sultan, Sidi Mohammed Ben Youssef. Avec bonheur, il marie une intense carrière professionnelle et un amour ardent de la peinture. Il multiplie avec succès les expositions qui donnent lieu à de prestigieuses rencontres avec des personnalités et de grands noms littéraires (les frères Tharaud) ou spécialisés dans la civilisation de l’Afrique du Nord : Georges et William Marçais, Louis Poinssot, Henri Basset, Stéphane Gsell, André Piganiol, Roger Le Tourneau, Henri Terrasse, H.H. Abdelwahab et d’autres.

A mesure que défilent les années, les textes se parsèment agréablement de ses nombreuses peintures et illustrations où le pinceau, dit-il, est plus habile à rendre ses sensations. On doit en 1932 à Marcel Vicaire une initiative remarquable, la création, à Fès où il réside, de l’association « Les Amis de Fès » (1932-1956). Elle est sans doute la première des associations culturelles et artistiques nées au Maroc pour réunir Français et Marocains pour la sauvegarde de la ville impériale. Elle regroupe des célébrités françaises, déjà citées ou encore Albert Laprade, l’architecte de Lyautey et concepteur du Palais de la Porte dorée, aux côtés de notabilités marocaines comme le Glaoui et le Chérif Kettani. Elle jouera un grand rôle dans la vie littéraire et artistique de Fès avec pour effet futur, semble-t-il, d’inscrire sa médina comme le tout premier site marocain au patrimoine mondial de l’Unesco en 1981.

La Troisième période de 1958 à 1976 est celle d’une retraite occupée au service du patrimoine culturel. Il décède en 1976 et est inhumé aux côtés de son épouse au cimetière de Saint-Germain-en-Laye.

En fin d’ouvrage, des annexes regroupent des lettres et des documents relatifs à sa famille et à ses activités. Ils fourmillent de renseignements sur les événements d’ordre politique, culturel, économique, voire mondain, dont Marcel Vicaire a été acteur ou témoin. Ensuite, un inventaire donne une liste non exhaustive des œuvres exposées et de leurs lieux d’exposition. Enfin, un répertoire rassemble les noms des artistes et hommes célèbres qu’il a côtoyés.

En signant ce livre, Isabelle Crouigneau-Vicaire dédie un radieux hommage à un père adulé. D’ailleurs, il le mérite puisque, outre son apport à la préservation des traditions marocaines, il figure en bonne place dans l’étude de Marlène Lespes intitulée « De l’orientalisme à l’art colonial : les peintres français au Maroc pendant le Protectorat (1912-1956) » et présentée à Toulouse en 2017.