Auteur | Maurice Buttin |
Editeur | Karthala |
Date | 2025 |
Pages | 372 |
Sujets | Proche-Orient Histoire politique Israël Relations Palestine XXIe siècle Palestine Relations Israël XXIe siècle Proche-Orient Génocide XXIe siècle |
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Le drame du 7 octobre 2023 a aiguisé la réflexion humaniste de M. Maurice Buttin attaché de longue date à défendre la cause d’un peuple victime de plus de 75 années d’occupation, de répression et d’humiliation.
Par le prisme du sionisme (l’idéologie du retour des Juifs à Sion, déjà observée chez des Protestants anglais du XVIe siècle), l’auteur développe une histoire vieille de cent-cinquante ans. Dans un élan de réveil national, la renaissance arabe (Nahda) et les efforts de Juifs pour reconstituer une nation en Palestine reflètent des aspirations semblables mais opposées. De manière prémonitoire, un nationaliste libanais chrétien, Naguib Azuri, constatait en 1905 « deux mouvements destinés à se combattre jusqu’à ce que l’un l’emporte sur l’autre ».
Face à un antisémitisme virulent, Theodor Herzl plaide en 1897 pour la création d’un foyer pour le peuple juif. En 1917, la Déclaration Balfour promet « l’établissement d’un foyer national » en Palestine, en faisant croire qu’elle était une « terre sans peuple ». Durant le mandat britannique, une immigration juive massive provoque la grande révolte arabe de 1935-39. La solution du partage est oubliée après la Conférence sioniste de Biltmore qui en 1942 rappelle l’objectif de la Déclaration Balfour de 1917. L’alliance anglo-sioniste se brise après 1944 sur une campagne d’attentats terroristes.
Le 29 novembre 1947, un partage inique de la Palestine est décidé par l’Assemblée générale de l’ONU. Pour Arthur Koestler, « les grandes puissances ont partagé un territoire qui ne leur appartenait pas et donné, ainsi, à une tierce partie, ce qui appartenait à une autre ! » La création de l’État d’Israël est proclamée le 14 mai 1948. Il s’en suit la première de quatre guerres israélo-arabes et « le nettoyage ethnique de la Palestine » (Ilan Pappé), soit la Nakba (Catastrophe). Les quelques 150.000 palestiniens restés en Israël sont soumis à un contrôle sévère. Yasser Arafat prend la tête du mouvement de résistance palestinienne. Après la « guerre des Six jours » en 1967, Israël s’empare de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie et y organise l’occupation. Un « camp de la paix » émerge en 1976.
A partir de 1977, les sionistes de droite et leurs alliés religieux dominent la politique israélienne. Le président Sadate prend l’initiative de leur proposer la paix. Les pourparlers se multiplient. Le plan de paix de Fès prévoyant la création d’un État palestinien est refusé par Israël. Un sionisme de coalition dirige le pays de 1984 à 1992. Durant cette période, Yasser Arafat se prête aux négociations. Sous le gouvernement travailliste en 1993, les accords d’Oslo devaient amener la création de deux États. Ils n’ont en fait que contribué à solidifier l’occupation israélienne.
En 1996, le sionisme de droite revient au pouvoir avec pour mot d’ordre le refus de tout État arabe en Palestine. Ariel Sharon décide en 2004 de bâtir un mur de séparation, dénoncé par la Cour internationale de Justice. Une campagne de Boycott dite BDS vise à contraindre Israël à respecter le droit international. En 2006, le Hamas remporte démocratiquement les élections dans les territoires palestiniens mais son succès est contesté par Israël. Toujours pour raison « de sécurité », son armée multiplie sur Gaza, une « prison à ciel ouvert », les opérations dévastatrices.
Avec B. Netanyahou en 2009, un « néo-sionisme » s’affirme par son caractère nationaliste et religieux. La Palestine est admise à l’Unesco en 2011, puis obtient le statut d’observateur à l’ONU. Reconnue par plusieurs États, elle reste ignorée par l’Union Européenne. Israël riposte par des projets de colonisation et des bombardements sur Gaza. En 2018, une loi fondamentale définit Israël comme l’État nation du peuple juif. Sous pression américaine, quatre pays arabes normalisent provisoirement leurs relations avec Israël (accords Abraham) tandis que des oppositions s’expriment chez les Juifs américains. La droite au pouvoir se durcit avec une rigueur fascisante. Le plan du président Trump entérine l’annexion des colonies et exclut « le retour des réfugiés ». L’ONG israélienne B’Tselem en conclut que « les Palestiniens se voient offrir …. un État permanent d’apartheid ». L’élection de Joe Biden n’apporte aucune ouverture. En 2021, à l’initiative du Hamas, les affrontements s’élargissent des Palestiniens occupés aux Palestiniens d’Israël. En Cisjordanie, les colons se livrent au vandalisme en toute impunité. Résistance et répression s’enchaînent. Les actions en Cisjordanie s’apparentent à de la « persécution ». Désormais, 40% des Palestiniens soutiennent la lutte armée.
L’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 marque un tournant, définitif pour l’auteur, dans l’histoire d’Israël et de la Palestine. Il rappelle les faits dont il démonte la déformation orchestrée par la propagande israélienne et reprise dans le monde occidental. Si des participants au festival Nova organisée près de la frontière ont été tués par la résistance palestinienne, des preuves laissent entendre dans le quotidien Haaretz que la majorité des civils tués l’ont probablement été par des tirs croisés des forces israéliennes en application de la directive controversée Hannibal. Le Hamas, dont la violence et la prise d’otages sont condamnées, n’en a pas moins replacé la cause palestinienne au premier plan et mis fin au dogme de l’invulnérabilité d’Israël. Sans réussir à l’éradiquer, les représailles d’Israël génèrent à Gaza, détruite à 70%, une catastrophe humanitaire proche du génocide. Pour l’historien israélien Ilan Pappé et d’autres commentateurs, la dérive illibérale d’Israël et ses échecs à Gaza « aboutiront à la chute du sionisme et de son idéologie ».
Après avoir identifié « 12 tributs » à payer par Israël pour survivre, M. Buttin prédit la fin du national sionisme. Son livre est précieux pour quiconque s’interroge sur la question israélo-palestinienne. Il est le fruit d’une recherche patiente et documentée de la vérité selon une démarche engagée qui l’avait déjà guidé pendant plus de cinquante ans dans son enquête méticuleuse sur l’enlèvement, la disparition et l’assassinat de Ben Barka.
Israël a le droit légitime d’exister mais sans l’exercer aux dépens d’un autre, le peuple palestinien. L’auteur appelle à la paix et à la solution à deux États par une réconciliation semblable à celle qui a rapproché Français et Allemands après trois guerres meurtrières. Or, nous sommes en Terre sainte, une terre des miracles ! Gardons espoir !