Immersion : rencontre des mondes atlantique et pacifique

Recension rédigée par Virginie Tilot de Grissac


Avis au lecteur : cet ouvrage est plutôt destiné à des spécialistes des sciences ethnologiques ou anthropologiques et le langage utilisé semble être celui d’experts, ou d’un groupe d’entre eux, certains mots paraissant hors de contexte ou n’apportant pas un éclairage évident à la pensée de l’auteure. Je joins ci-après une citation de l’auteure lors d’une présentation du livre :

L’objectif est de mener une exploration généalogique de l’itinéraire intellectuel et sensoriel qui fait passer l’océan, de masse inerte, territoire du vide, confins sublime d’une sauvagerie mise à distance à dompter et conquérir au moyen de la médiation technique, à un milieu vivant et socialisé qui connecte plus qu’il ne sépare, avec lequel établir un rapport symbiotique, sensible, une attention empirique aux détails, au moyen de l’immersion sensorielle sans en passer par une médiation instrumentale lourde. Les invisibles ici, sont l’océan lui-même et la mer des Autres, tous deux invisibilisés par l’ontologie des modernes, à porter en pleine lumière. Refaire l’itinéraire de ce tournant océanique revient à s’interroger sur les motifs historiques et culturels de cette double invisibilisation, sur l’importance de la rencontre avec le monde des iles du Pacifique et de son rôle dans l’émergence d’une perspective océanique renouvelée en occident, et enfin sur les perspectives qu’ouvrent ou non, le dit renversement des perceptions auquel aspire à juste titre une partie de nos contemporains plongés dans l’ère anthropocénique de milieux marins et de vivants en sursis.

Le titre annonce l’objectif de l’auteure qui veut analyser le passage possible d’une immersion sensorielle basée sur l’instrumentation et la technologie (en Occident) à une immersion sensorielle basée sur une approche écologique (pour les peuples du Pacifique). Elle pense que ce nouveau modèle de représentation de notre environnement pourrait aider à mieux envisager les défis actuels de notre planète bleue.

Elle part du principe que les Occidentaux ont toujours considéré qu'il était normal d'avoir peur de l'océan (ce qui pourrait être discutable) et que leur positionnement était de vouloir le dominer et l’exploiter (en faisant référence aux enseignements de la bible, ce qui est aussi discutable). Cette exploitation se fait en ayant recours aux techniques de navigation, de pêche, et n’est pas nécessairement sous contrôle, donc peut aller au-delà de la durabilité des ressources.

Elle pense que les occidentaux ont toujours cru qu'il n'existait pas d'autres rapports possibles à la mer et que notre approche matérialiste était universelle.

L’auteure pense que lors de la rencontre entre les premiers explorateurs occidentaux et les peuples des îles du Pacifique, ils ont pensé qu’il était impossible que les habitants des îles aient pu se déplacer et coloniser des îles situées à des milliers de kilomètres, sans disposer d’aucune technologie similaire à la leur. La navigation des Océaniens du Pacifique était basée sur la connaissance du positionnement des étoiles et sur des critères climatologiques (vents permanents et saisonniers, reflets des iles sur les nuages), physiques (courants et houles, température des eaux) et biologiques, tels que la présence d’oiseaux et de mammifères marins, de requins ou de bancs de poissons de certaines espèces.

L’ouvrage est divisé en trois parties : la perspective Atlantique, la perspective Pacifique et le tournant océanique, rupture ou continuité ?

-          La Perspective Atlantique concerne principalement une analyse de la littérature sur les activités maritimes, et en particulier la pêche où la technologie est dominante face à un océan hostile et périlleux. Les marins sont focalisés sur la technologie et non sur l’océan. Partant de ce principe, l’auteure n’apporte aucune information sur l’approche scientifique et la connaissance du milieu, de ses écosystèmes et de ses espèces, parlant même de vide :

-          La Perspective Pacifique montre que le navigateur est en communion avec son environnement, ce qui lui permet de s’orienter dans l’espace sans recours à la technologie mais en se basant sur ses observations et la connaissance du milieu marin. L’auteure ne considère pas les systèmes de navigation (type et modalités de construction des embarcations et des voiles, navigation aux étoiles, connaissances de l’écosystème) comme des apports technologiques avancés.

Elle pense que l’approche des peuples de Pacifique aurait constitué un tournant, plus particulièrement écologique, dans le comportement des occidentaux. Ce tournant ne semble pas avoir vraiment eu lieu, car après la découverte est venue la colonisation (ainsi que, modifiant les cultures et traditions, la christianisation) et l’exploitation des ressources de ces îles et de nos jours, la volonté toujours croissante d’exploitation de leurs ressources marines du large, en particulier halieutiques et minières.