Balguerie : l'esprit d'entreprise dans l'économie maritime

Recension rédigée par Josette Rivallain


L’auteur, Hubert Bonin, est spécialiste de l’histoire des entreprises notamment dans le bordelais, et a publié une liste impressionnante de livres, souvent aux Indes Savantes.

S’appuyant sur sa connaissance du milieu maritime bordelais, des fonds d’archives publiques et privées qui subsistent, de contacts avec les responsables, il a choisi l’une de ces entreprises familiales qui, née au XVIIIème siècle, toujours avec la famille pour axe central, continue d’évoluer au XXIème siècle. Ce livre-ci s’achève par un index-répertoire des noms des familles impliquées principalement dans ces aventures maritimes.

Ainsi, Hubert Bonin suit pas à pas l’histoire des hommes et des femmes de la famille Balguerie jusque dans la complexité de leurs évolutions. L’ouvrage est structuré en trois principales parties et nombre de sous et sous-sous parties suivant essentiellement un ordre chronologique, insistant sur la période postérieure à 1930, soit un siècle d’histoire économique au cours duquel naît une nouvelle maison Balguerie.

L’histoire de la famille remonte à Pierre-Jacques Balguerie (1731-1806), venu du Lot-et-Garonne qui créa en 1760 une société orientée vers le négoce colonial, notamment entre Bordeaux et les Antilles. Il épousa une créole. Pierre Balguerie (1778-1825) devint un notable de la ville, président de la Chambre de commerce, impliqué dans la construction de navires et le développement de la route Bordeaux-Libourne. Puis, par un jeu régulier d’alliances matrimoniales, d’associations judicieuses, les Balguerie développèrent le négoce vers les Antilles, mais aussi l’Océan Indien, la Chine. Jean-Etienne Balguerie, marin dans la marine marchande, devint armateur au début du XIXe siècle et créa à son nom une société d’armement maritime, pratiqua la course contre les anglais, négocia sur toutes les mers. Le goût pour le négoce et la vie maritime se développa dans toutes les branches de la famille, le courtage maritime apparut. Au début du XXe siècle, Alfred Balguerie et ses frères poursuivaient l’aventure.

Lors de la période 1930/1945, avec la participation des différents éléments de la famille, naquit une nouvelle maison Balguerie spécialisée dans le commerce de transitaire agréé en douane, l’agence maritime et l’entreposage de marchandises, avec ouverture à de nouveaux associés servant de relai aux compagnies étrangères.

Puis, à partir de 1945, le contexte géopolitique ayant changé, également la taille des navires, de nouveaux concurrents apparaissent. La famille Balguerie, prenant appui sur les bases du capitalisme familial, suit les mouvements portuaires et de la logistique. Ils ouvrent de nouvelles antennes (La Rochelle), Alfred Balguerie devient président du Conseil d’administration puis PDG de la société ‘Balguerie SA’, Bordeaux est alors le sixième port de France. La société est au cœur de la consignation maritime, disposant d’agences maritimes, fluviales, terrestres et aériennes en lien avec des escales dans le monde, élargissant sa palette de prestations. La période de croissance s’appuie sur l’activité de consignation, renforce sa position de transitaire en France, développe les activités de manutention en France et au Maroc.

Entre 1974 et 1997, le commerce est en perpétuelle recomposition avec l’internationalisation des flux, les variations de la géopolitique, l’accroissement des importations de pétrole, de minerais et de produits de consommation. Avec la croissance continue des navires, la nouvelle distribution de produits semi-finis, le transit et les installations portuaires évoluent à travers le monde. Alors, les Balguerie continuent d’être une entreprise familiale locale, s’appuyant sur un bloc d’actionnaires en majorité girondins.

A la disparition d’Alfred Balguerie, ses fils et son petit-fils prennent le relai, partagent les responsabilités de l’entreprise avec les autres membres de la famille. La société, toujours ancrée dans la région, se diversifie en fonction des nouvelles conjonctures.

A la fin des années 1980 se poursuivent les activités de consignation, celles de transit maritime, aérien, spécialement à l’export des vins et spiritueux s’intensifient.

Autour de 1990, prédomine la commission de transport et de manutention, de la gestion des terminaux des containers, des flux, dont celui de l’aéroport de Merdrignac.

Au cours de ces périodes, Balguérie s’implante à Marseille, avec les assurances maritimes, aussi en Charente, à Paris, à l’embouchure de la Loire, à Toulouse, le long de l’axe Rhône/Rhin, à Beaune, renouvelant sans cesse son portefeuille de savoir-faire, s’ouvre à de nouveaux clients, fidélise les anciens, pratique une politique de bonnes relations avec ses employés, se dote d’un pôle de gestion centralisé.

Après 1998, la consignation maritime est abandonnée au profit de la commission de transport et la société BGP devient la cheville ouvrière de Balguerie. La logistique se globalise avec le commerce des marchandises et des colis, évolue vers l’international et une politique de zéro stock dans les ports. Les navires connaissent un nouvel aménagement. Les pays émergeants sont dynamiques et de nouveaux réseaux apparaissent. Cela a des conséquences sur les transports confrontés à une ramification de métiers, de nouvelles formes de consommation et une nouvelle clientèle. Les transports se recentrent de façon stratégique en Mer du nord, en Asie, en Chine, en Espagne. Le port du Havre voit son trafic augmenter. Au sein du pôle maritime apparaissent des chaînes de sociétés assurant des relais : telle Transcausse qui est un commissionnaire de transit et de transport.

Et ces années-ci ? Le groupe Balguerie s’est métamorphosé depuis 1930, d’abord sous l’impulsion de la crise financière. Maintenant BGP dispose de bases fortes dans les ports, aves des bases relai. L’entreprise Balguerie a développé des capacités financières à résister, assurant un bon équilibre, capable de se recentrer et offrant une bonne image de marque, avec à la fois des initiatives et des choix stratégiques et gestionnaires judicieux.

L’entreprise est apte à rebondir en fonction des situations locales, continentales et internationales faces aux crises logistiques mondiales tout en conservant son statut d’ETI.