Regard sur 34 ans de diplomatie mauritanienne

Recension rédigée par Philippe David


L’auteur, né en 1954, fils d’une illustre famille amie des Français et fidèle au souvenir du premier président Moktar O/Daddah, diplômé en France puis à Bucarest, raconte dans les extrêmes et moindres détails sa longue carrière de diplomate de 1981 à 2015, carrière qu’il estime, non sans une certaine insistance répétée, exceptionnelle et brillante. On ne peut, certes, la lui contester mais on va revenir quand même en détail sur les originalités de son récit.

            D’abord successivement en poste à Washington, Le Caire, Sanaa et Rabat (entre 1986 et 1995), très familier des Nations Unies et, pour finir, ministre des affaires étrangères de 2013 à 2015, il a donc, par ses fonctions diplomatiques internationales et onusiennes, brillamment incarné, (nonobstant plusieurs coups d’état à Nouakchott) l’affirmation politique de son pays à travers ses 43 missions diplomatiques entretenues sur tous les continents.

            Modeste état né en 1960, arabisant et musulman mais non arabe, la Mauritanie a d’abord traité avec ses voisins Maroc, Algérie, Mali, Sénégal et Espagne, puis avec l’ensemble du monde arabe, l’ONU et surtout Israël où l’auteur est resté ambassadeur de 1996 à 2009. Sur cette dernière et foisonnante période, son abondant témoignage de quarante pages (51 à 90) est particulièrement précieux.

            Ceci dit, Ahmed O/Teguedi a bien averti qu’il allait mêler dans son ouvrage “faits historiques majeurs et anecdotes pittoresques”. Effectivement, on découvre, à le lire, un témoin multiple qui n’est pas sans nous surprendre. Déjà, à peu de choses près, il ne nous fait guère grâce de tous ses coups de téléphone envoyés ou reçus ni de ses déplacements en avion aux quatre coins du monde ni de ses déjeuners de travail pendant trente-quatre ans.  De plus, son riche récit, ponctué d’innombrables “je me souviens” ou “je me rappelle” ou invocations islamiques, foisonne de mentions très personnelles qu’on peut juger orgueilleuses et irritantes. Ainsi, chez “son ami” Ban Ki-Moon, secrétaire-général des Nations Unies, “tous ont montré un grand respect et une grande estime pour ma personne” (p.138) ; “tout mon talent de connaisseur de la situation politique intérieure en Israël” (p.143) ; “excellent travail... qualités professionnelles et humaines remarquables... des propos rares qui méritent toute ma reconnaissance” (p.174).

          Mais, en contrepartie, il n’omet pas de rappeler les conditions confuses et désagréables dans lesquelles il a été nommé ministre des affaires étrangères puis mis à la retraite deux ans plus tard. Il signale enfin, désabusé, les nombreux cas où ses actions ou propositions, qu’il jugeait  pour sa part brillantes et prometteuses, n’ont été suivies d’aucune exécution ni prolongation par ses interlocuteurs, ses successeurs ou, à Nouakchott, le pouvoir lui-même : “Malheureusement, il n’y a pas eu de suivi après mon départ de New-York” (p.96) ; “Ce processus... que nous avons lancé... a été interrompu juste après mon départ” (p.144) ; “Ces deux démarches... ne furent poursuivies, ni par mon successeur ni par les autres présidences arabes” (p.146) ; “ Après mon départ... j’eus l’impression qu’il n’y a pas eu de suivi” (p.153) ; “Ce comité... se réunit une seule fois et ne donna jamais suite à ma proposition” (p.155) ... et encore (p.165) : “Après mon départ... pas de suivi”.

            Diplomate original et retraité décidément nostalgique, l’auteur, dans sa conclusion, affirme encore ses “qualités” et ses “compétences professionnelles et humaines”, appréciées de “rares fois” par “quelques rares personnalités”. Son orgueil s’impose inévitablement au lecteur. Mais notons après tout qu’il n’apparaît qu’en contrepoint du récit d’un riche parcours professionnel au coeur même des trente ans de négociations internationales dont il révèle-peut-être le premier et le seul-les mécanismes, les désillusions et les succès.