Les semences

Recension rédigée par François Bart


Ce petit ouvrage est la traduction française, faite par un agronome-généticien, qui fut enseignant-chercheur à l’université Paris XI-Orsay, d’un livre de référence (2010, Seeds, Wageningen, Macmillan Publishers Ltd / CTA) écrit par Michael Turner, ancien directeur d’un cycle de formation en technologie des semences à l’Université d’Edimbourg. Il s’inscrit dans une nouvelle collection créée par un consortium associant les prestigieuses institutions agronomiques de Wageningen (Pays-Bas) et Gembloux (Belgique) à l’éditeur français Quae. Autant dire que l’auteur, comme le réseau d’organismes auquel il participe, sont d’emblée des garanties de la qualité scientifique de cet ouvrage. De plus, fait notable, le traducteur est lui aussi spécialiste de ce domaine et ne manque pas, à l’occasion, d’inclure quelques commentaires personnels.

L’avant-propos, rédigé par le directeur de la collection, Philippe Lhoste, précise ses objectifs : « Ces guides pratiques sont destinés avant tout aux producteurs, aux techniciens et aux conseillers agricoles. Ils se révèlent être également d’utiles sources de références pour les chercheurs, les cadres des services techniques, les étudiants de l’enseignement supérieur et les agents des programmes de développement rural » (p. 7).

Le chapitre introductif précise très utilement le propos : il situe le livre dans un contexte général où « les semences ont joué un rôle essentiel dans le développement des premières civilisations et (où) aujourd’hui elles sont encore à la base de l’alimentation mondiale » (p. 13). Ce sont les pays tropicaux qui sont au centre de la réflexion, avec une référence essentielle à « la Révolution Verte des années 1960, qui était basée sur l’introduction de nouvelles variétés de riz et de blé à haut potentiel de rendement » (p. 14). Les pages suivantes introduisent les définitions principales, un bref historique des systèmes d’approvisionnement et de l’industrie semencière, le débat formel / informel, la dimension politique des semences etc. Elles précisent enfin que « cet ouvrage s’intéresse essentiellement aux céréales et aux légumineuses à graines qui fournissent l’essentiel de la ration alimentaire à la majorité de la population mondiale, en particulier dans les pays en développement » (p. 27).

Suivent sept chapitres abordant la biologie des semences, leur production, leur récolte et préparation, les enjeux de la qualité, de la commercialisation, de la distribution et une évocation rapide des semences des cultures non céréalières. La question de la spécificité des environnements tropicaux est partout sous-jacente, mais toujours placée dans un contexte de plus en plus mondialisé, caractérisé aussi par l’importance du facteur temps et par les risques induits. Le propos, souvent technique, est ainsi porté par un souffle général, attentif aux problèmes de développement, qui se manifeste régulièrement par quelques phrases fortes : par exemple, page 148, « un achat de semences constitue intrinsèquement un pari sur l’avenir », et « ainsi les semences, tout comme les journaux, sont des produits très sensibles au facteur du temps ». Il est aussi important de noter que l’auteur évoque de façon récurrente les petites exploitations familiales et toutes les filières semencières dites informelles, ainsi que l’autoproduction de semences. Et, sans cesse, tout cela est mis en balance, de façon très fine, avec les filières dites modernes et les multinationales. C’est bien, parfois, d’une véritable géopolitique des semences qu’il s’agit, d’autant plus convaincante que le lecteur non spécialiste est aidé par des documents explicites (tableaux, schémas, quelques photos…) et par un souci constant de la définition et de la clarté.

Ce manuel, dont l’usage aurait pu être très ardu pour le commun des lecteurs, est en fait accessible et surtout très utile à tous ceux qui s’intéressent au développement de l’agriculture tropicale.