La Grande Muraille : les secrets de sa construction

Recension rédigée par Yves Rodrigue


Sur la Grande Muraille voici un petit livre qu’il faut lire avant d’aller en Chine. Plus qu’un guide pour touristes c’est un exposé d’historien sur la construction et la gestion du plus grand ouvrage des hommes. Le texte sans grandiloquence ni superlatifs superflus est illustré de photographies suffisamment éloquentes (créditées mais souvent non identifiées) C’est la réunion, la synthèse et la finition sur 7.000 kilomètres, au cours de la dynastie Ming, de plusieurs murailles construites sous les Zhou orientaux (770 à 221 avant JC) puis jusqu’en 1620, sous les dynasties de la Chine unifiée par Ying Zheng. Murailles entre les neufs Royaumes combattants, murailles pour se protéger des agressions des nomades du nord (Les Mongols en 1449 firent prisonnier l’Empereur Ming à la bataille de Tumubao), muraille traçant enfin les deux parties complémentaires du pays : nomades éleveurs et villageois agriculteurs. Les parcours de ces remparts décrits dans le texte, auraient été plus lisibles sur des cartes ou schémas, l’unique croquis de première page laissant à désirer par rapport aux informations historiques ou techniques.

 Les chantiers mobilisèrent des millions de fantassins de garnisons et de civils libres ou prisonniers exploitant et transportant les matériaux locaux : pierres, briques de 15 kilos, loess compressé mêlé à des branchages. L’auteur évoque ces chantiers et les ouvrages complétant les remparts : fortins, tours de guet et d’alarme, passes terrestres et fluviales, relais postaux, garnisons et faubourgs fortifiés (les urnes). Il décrit aussi la gestion complexe d’un ouvrage qui se voulait défensif et offensif de façon permanente. Cette description prouve le niveau atteint dans diverses techniques : signalisation et communication, intendance militaire, armements, garnisons en alerte, défrichage par l’armée de terres cultivées aux pieds des remparts, franchissement de fleuves etc. Ce plaisant ouvrage se termine par une ‘visite guidée de 21 passes choisies parmi les plus belles et célèbres. Leur importance fut souvent grandie par la présence de marchés de produits et les salutations nécessaires au maintien de la paix : chevaux d’un côté, thé et soie de l’autre et bien d’autres marchandises et gestes de bon voisinage.

On aurait aimé des récits de combats au pied de La Grande Muraille. Il y en a eu peu car elle a bien assumé son rôle préventif. Les Mandchous l’ont cependant prise et en partie démontée ; Et les Mongols contournée ou franchie ? La grande Muraille s’apparente mieux au limes romain qu’à la ligne Maginot. Frontière entre civilisation et barbarie, elle fut franchissable à la faveur des querelles de l’Empire ou  de compromissions locales. En insistant sur le caractère offensif de l’ouvrage, l’auteur fait référence aux conquêtes sur les barbares qui ont fait de la Muraille le symbole de l’Empire unifié.