La diplomatie économique et les affaires internationales au Moyen-Orient

Recension rédigée par Christian Lochon


Le professeur libanais Nicolas Badaoui enseigne les relations internationales au Liban et en France.

Pour cet ouvrage, il a fait appel à 4 experts libanais, 2 Français, 2 Tunisiens, 1 Égyptien, 1 Koweïtien, 1 Marocain et 1 Mauritanien. 5 contributions sont rédigées en anglais, 6 en français. En introduction et en conclusion, N.Badaoui souligne que « la diplomatie économique perçue au Moyen-Orient comme un processus de communication et d’échange entre les pays et les communautés » (p.11) « est susceptible de promouvoir l’attractivité nationale pour recueillir des investissements étrangers » (p.138).

3 contributions décrivent les formes de diplomatie économique.

Pour H. Shaban, dans Théorie de la diplomatie économique,l’impact de la globalisation a conduit  le monde vers une économie multipolaire développant la diplomatie économique, un monde interconnecté où le commerce a dépassé les limites nationales pour devenir globales (p.17). Des Institutions non étatiques comme la BIRD, le FMI, l’OIT, des corporations transnationales, des banques d’investissement peuvent aussi jouer un rôle clé dans les actions de la diplomatie économique (p.19). Les méthodes utilisées sont basées sur des intérêts communs, des prêts, des renoncements partiels à la souveraineté (p.21). Pour arriver à un accord, on peut utiliser des sanctions collectives comme la Résolution 661 du 6 août 1990 imposée à l’Irak après son invasion du Koweït (p.23). Les États du Tiers-Monde sont restés cependant faibles par rapport aux États développés exportateurs de matières premières et importateurs de produits industriels (p.25).

Y. Abouyoub, dans Gouvernance et Diversification économique, (p.33) explique que des Institutions étatiques faibles et une mauvaise gouvernance constituent un dénominateur commun entre les États arabes postcoloniaux. Les structures étatiques ont perdu leur légitimité aux yeux de leurs citoyens par leur niveau élevé de corruption, les déficits fiscaux et une croissance limitée du secteur privé (p.34). En fait, la gouvernance publique de l’État et de la société civile, la gouvernance économique de l’État et du secteur privé et la gouvernance sociale de la société civile sont responsables de la croissance économique (p.37). On ignore cependant le rôle des institutions locales traditionnelles, les confréries soufies, les organismes religieux charitables (p.43). Les États du Golfe dépendent d’une main d’œuvre expatriée car les citoyens préfèrent être fonctionnaires ; cela coûte cher (p.48). D’autre part la restriction des libertés politiques entrave le développement (p.51). La diversification économique entraînera la baisse des couvertures sociales (p.53) qui déclenchera comme à Bahreïn des soulèvements populaires (p.54).

Pour S. Akiki Svan dans Soutien à la transition et Gouvernance (p.89), le manque de vision humaine de l’avenir et de profits empêche le soutien au développement (p.93). Le Moyen-Orient fait de grands efforts pour soutenir le développement malgré la corruption, l’instabilité politique, les problèmes économiques, les conditions climatiques (p.94, 95). Les Autorités doivent soutenir l’agriculture et le développement urbain (p.96).

8 contributions portent sur des secteurs géographiques.

N. Azoury et N.Badaoui  étudient le rôle accru de la diplomatie économique dans les activités commerciales au Moyen-Orient (p.27). Les États-Unis multiplient des éléments de stratégie diplomatique, de politique économique et de coopération sécuritaire (p.29). Le fait que la jeunesse du Moyen-Orient et du Maghreb forme un tiers de la population doit promouvoir les liens entre ces nations, les échanges économiques et une paix durable (p.32).

G. Lteif et N. Badaoui décrivent L’impact des réseaux sociaux et des technologies numériques sur les affaires au Moyen-Orient (p.113), renforcé par le Covid 19. La numérisation de l’économie entraînerait une augmentation du PIB par habitant d’au moins 46% sur 30 ans et doublerait le taux d’activité des femmes (p.115). Mais la réticence envers les technologies numériques pour les transactions financières est due au manque de confiance envers l’Administration et les sociétés commerciales (p.116).

R. Chkoundali rappelle dans Afrique et Monde Arabe que l’intégration économique arabo-africaine entre 22 pays arabes et 54 pays africains est déjà engagée puisque 11 pays arabes sur 22 sont africains. Plus de la moitié de la population arabe habite l’Afrique (p.83). Néanmoins, malgré les Sommets du Caire (1977), de Tripoli (2010) et de Koweït (2013), les relations économiques n’ont pas évolué (p.78). L’Afrique est au centre de la concurrence entre la Chine et les États-Unis (p.79). Le lien arabo-africain est l’œuvre de la COMESA (26 pays dont 6 arabes), de la SAD-CEN (27 pays dont 8 arabes) et de la BADEA (p.97).

T.  Madini examinele partenariat euromaghrébin depuis les Accords de Barcelone de 1995 (p.101) qui instituait un partenariat financier, une coopération économique et une zone de libre-échange. Aujourd’hui les 12 pays méditerranéens ne réalisent que 6% des importations des 15 pays européens (p.103). La suppression des droits de douane a fait baisser les revenus des États du Sud et les pays européens investissent davantage en Europe orientale. Les conditions politiques des États du Maghreb ont empiré depuis Barcelone (p.111).

N.Badaoui et O. Hanne examinent  le  financement de la terreur dans l’État Daech (p.68) qui a exercé pendant 4 ans  un pouvoir discrétionnaire sur 8 millions d’individus et 240.000 km2. Les ressources de Daech atteindront 3 milliards $ en 2015 par les impôts, les péages aux frontières, les prises d’otages, le trafic d’antiquités et d’œuvres d’art, l’esclavage des Yézidies (p.72). L’économie de la Syrie et de l’Irak était devenue un système de contrebande (p.71).

A. Ould Abdallah décrit la diplomatie économique des États du Golfe (p.55), qui, prévoyant la baisse des revenus pétroliers, ont su attirer des investissements directs, une main d’œuvre de qualité et favoriser le rapprochement entre secteurs privé et public (p.56). Déjà Dubaï est le 3e port mondial et le 2e marché de l’or derrière Londres. Qatar développe son soft power grâce à Al Jazeera TV (p.57).

 M. El Rumeihi traite de La Sécurité du Golfe et la diplomatie économique ; les pays du Golfe ont des intérêts économiques en Russie et dans les pays atlantiques (p.62). Ils ont investi 130 milliards $ en Europe de fonds souverains et privés et 2000 milliards $ aux États-Unis, ces pays demeureront liés à l’OTAN (p.63) mais les réseaux sociaux montrent qu’ils peuvent être politiquement déstabilisés (p.65).

L. Delacloche s’interroge sur ladiplomatie économique française dans la crise libanaise, que la Banque Mondiale décrit comme un des plus graves effondrements économiques depuis 1850 (p.119) ; la valeur de la monnaie a été divisée par 25. Le Liban a perdu l’intérêt des entreprises françaises malgré les efforts de l’E.S.A. (p.131).

La solution attendue viendrait du FMI mais le Liban n’a plus de Président ni de Premier Ministre (p.135).

Le lecteur appréciera les différentes approches proposées pour définir la diplomatie économique qui est une notion nouvelle et, semble-t-il, de plus en plus utilisée dans les relations interétatiques.