Liban, les défis de la liberté, Le combat d'un chrétien d'Orient

Recension rédigée par Christian Lochon


Dr Fouad Abounader est médecin, petit-fils maternel du prestigieux leader maronite Pierre Gemayel qui galvanisait les foules dans les années 1960 ; son oncle Bechir Gemayel, élu président de la République, fut assassiné quelques jours après son élection le 14 septembre 1982 (p.36 et 107) et remplacé par son frère cadet Amine. M.Abounader, au moment de la guerre civile, devint un des commandants des Phalanges Libanaises, les Kataeb, qui défendirent courageusement les cantons chrétiens. La guerre civile intercommunautaire s'étendit hélas à l'intérieur des communautés et le Dr Abounader, le 10 août 1986, fut blessé aux jambes et à l'épaule au cours d'un attentat par les Forces Libanaises, rameau des Kataeb et dirigées par Samir Geagea (p.151). Ce que l'auteur exprime d'abord dans ce livre qui décrit son combat, c'est sa profonde amertume des occupations étrangères successives de son pays.

D'abord celle des Palestiniens, réfugiés accueillis au Liban en 1948 puis en 1967 dans 14 Camps officiels (p.115) qui, en 1975, avaient instauré un État dans l’État et "voulaient nous anéantir dans l’indifférence générale" (p.119) comme en janvier 1976, en attaquant Damour (p. 113). Il dépeint Arafat " très fort, au gré de ses intérêts, se déclarant musulman, progressiste, socialiste, proeuropéen" (p.81) et les étudiants palestiniens de l'Université Américaine de Beyrouth "antiaméricains mais ils s'installeront aux États-Unis. C’est d’ailleurs aux Palestiniens que les chrétiens achèteront leurs armes (p.66). L’an 1978 marque le début des heurts entrePalestiniens et Chiites (p.21), qui, instrumentalisés par la Syrie, attaquent les camps palestiniens en mai 1985 (p.127). Aujourd'hui, les pays arabes n’ont plus envie de payer pour la cause palestinienne (p.137).

Quant aux Syriens, coopérant avec les Israéliens et les Américains (p.125), en avril 1981, ils bombardent Zahlé avec des hélicoptères (p.100) mais seront repoussés. Par la loi de 1994, ils imposeront la naturalisation de 202.000 Syriens et Palestiniens, soit 151.000 Musulmans et 51.000 chrétiens (p.13). Néanmoins, les Syriens ont dû accepter que le Hezbollah garde ses armes sous la pression de l’Iran (p.127). Aujourd'hui, un million de réfugiés syriens sont répartis dans 4200 camps sauvages ; les employeurs de Syriens, qui n’ont pas de permis de travail, bénéficient d’exemption de taxes (p.17). L'auteur conclut « qu'il faut supprimer le pacte de Fraternité avec les Syriens » (p.30).

L’aide des Israéliens a toujours été " très conditionnée aux chrétiens " (p.110).

Le confessionalisme n'a pas facilité l'union patriotique car « en Orient, la religion fait partie de l’identité politique de l’individu » (p.46). En 1974, le représentant du Mufti sunnite affirmait sans scrupule : « Pour les musulmans du Liban, les Palestiniens sont notre armée et pas l’armée libanaise" (p.63). Durant la guerre civile (1975-1990), des milliers de mercenaires sunnites étrangers, bangladeshis, soudanais, somaliens, pakistanais, indonésiens luttèrent contre les chrétiens libanais au nom du Jihad. (p.121). La Turquie offre chaque année des bourses scolaires aux Turkmènes du Akkar (p.140). Mais le 8 mai 2008, à Beyrouth, les Chiites investissent les quartiers sunnites, ce qui oblige le Qatar à intervenir pour un accord de paix le 21 mai (p.27).

La communauté chiite fut divisée entre l'Organisation Amal, dirigée par Nabih Berri opposée à la doctrine iranienne de la Suprématie du Clerc (p.131) et le Hezbollah, issu de Amal islamique (p.132) qui l'avait adoptée. Damas obtint un accord entre les deux parties, souscrit par l'Iran en 1990 (p.135). Plus tard, en 2006, le Général Aoun et le Hezbollah signeront une alliance (p.149).

Les Druzes ne veulent pas que les Palestiniens et les Chiites dans le Chouf occupent les maisons des chrétiens enfuis (p.165). M. Abounader se rapprocha du leader druze Charif Fayad, ennemi lors de la guerrre civile (p.156).

Le prestige du patriarcat maronite en Arabie Saoudite s’est révélé en novembre 2017, lorsque le Patriarche maronite Raï, invité en Arabie Saoudite par le Roi Fayssal, intervient alors pour la libération du Premier Ministre Saad Hariri, détenu dans des circonstances étranges (p.31). Les chrétiens arrivèrent à créer un front commun durant la guerre civile lorsque les Kataeb, le Parti National Libéral (Chamounistes), le Tanzim, les Gardiens du Cèdre se rassembleront dans le Front de la Liberté (p.97) ; mais le 12 mars 1985, Samir Geagea, Elie Hobeïqa, Karim Pakradouni se désolidarisent des Kataeb, donc du Dr Abounader et d’Amine Gemayel (p.207). Aujourd’hui, se prolonge la rivalité entre Aounistes qui avaient refusé l’Accord de Taef et les partisans de Geagea qui l’agréaient (p.207).

C’est pourquoi, depuis Taef (1989), « nous avons le choix entre un Cabinet d’Union nationale avec corruption et népotisme ou des conflits internes qui entraîneront une guerre civile » (p.15) à la manière des assassinats du journaliste Samir Kassir en 2005, des députés Pierre Gemayel (cousin de l’auteur) en 2006 et Gebran Tuéni en 2007 (p.49).

Le système féodal se maintient. Les partis assurés du soutien du Clan, dont dépend la subsistance, veulent conserver le pouvoir et les prérogatives en remportant les élections (p.153). Le Liban a besoin d’instituer, comme en Afrique du Sud, une Commission Vérité et Conciliation (p.143). En attendant, M.Abounader a misé sur l’engagement associatif en créant  Nawraj  (lampe dans l’église) pour l’aide au développement agricole (p.168), aux victimes de l’explosion du Port de Beyrouth, qui laissa 300.000 victimes sans abri (p.171), aux 530.000 élèves des écoles catholiques (p.172). Il faudra également rétablir l’État de droit (p.178) en unifiant les statuts personnels dans un Code Civil (p.181), adopter la laïcité (p.189). Déjà des députés chrétiens sont élus par des électeurs musulmans et inversement (p.188).

Le lecteur consultera avec intérêt la chronologie des événements (p.204-209), l’arbre généalogique de la famille Gemayel (p.211), la liste des Présidents de la République (p.213) et la carte du Liban (p.215).