Les États-Unis et Cuba au XIXe siècle : esclavage, abolition et rivalités internationales

Recension rédigée par Jean Nemo


D’une certaine façon, le titre de l’ouvrage est un peu trompeur, en ce qu’il est accompagné d’un sous-titre, « Esclavage, abolition et rivalités internationales » qui semble annoncer une focalisation sur deux thèmes antagonistes et forts.

Pour le lecteur français, non historien, encore moins spécialiste ou expert des différentes histoires possibles de l’Amérique, le fait saillant, celui qui surgit des souvenirs d’études, est constitué par la guerre entreprise par les États-Unis contre l’Espagne en 1898, après trois ans de guerre d’indépendance cubaine, guerre inachevée avant l’intervention du puissant voisin du Nord. Il faut bien dire également que l’indépendance ainsi acquise fut, pour bien des années, voire plus d’un demi-siècle, purement fictive et que le premier drapeau non espagnol à flotter sur La Havane fut pour longtemps américain.

Cette guerre hispano-américaine fut parfois rapprochée de la cinglante défaite russe dans sa guerre en Extrême-Orient, avec le Japon, quelques années plus tard. Elles furent parfois considérées comme des symboles de ce que l’impérialisme européen, encore au faîte de sa puissance, voyait apparaître dans la course de redoutables compétiteurs non européens. Et les « victimes » de ces compétiteurs étaient deux nations européennes, il est vrai les maillons faibles du continent.

Le mérite de l’auteure est de « recadrer » à la fois dans le temps et les problématiques des relations intra-américaines, compliquées par un tiers acteur, la Grande-Bretagne.

Car l’intérêt des Nord-Américains pour Cuba date de bien plus loin, avant même l’indépendance des États-Unis. D’abord, pour le Sud esclavagiste qui voyait en son voisin insulaire son prolongement naturel. Ensuite et à certaines périodes, notamment dans les années 1840, un mouvement expansionniste basé sur la « Destinée manifeste » des Américains du Nord, appelés à prendre la tête du continent, à tout le moins du sous-continent méso-américain et de la Caraïbe.

À cela s’ajoute les querelles, pour ne pas dire plus, entre abolitionnistes, notamment anglais, et esclavagistes qui prétendent, entre autres, à une « mission civilisatrice » de populations inférieures mais sont aussi et surtout attachés à la défense sans concession d’un système économique. Lequel suppose la poursuite, légale ou non, de la traite transatlantique.

Si pour beaucoup d’Américains du XIXe siècle Cuba est destiné à tomber dans l’escarcelle de leur pays, les motivations diffèrent donc.

De leur côté, les élites cubaines rêvent et rêveront longtemps de rejoindre les autres pays latino-américains qui se sont libérés plusieurs décennies avant elles de l’autorité espagnole. Là encore, ces élites ne sont pas unanimes quant aux motivations qui les guident et nouent des relations complexes avec des personnalités américaines.

Dans son ouvrage, l’auteure décrit bien mieux que je ne peux le faire en quelques lignes l’histoire de ces relations souvent tumultueuses, qui impliquent aussi au premier chef les grands voisins du Nord, la Guerre de Sécession en témoigne.

Bien qu’issu d’une thèse récente (2010), l’ouvrage est accessible sans aucune difficulté au lecteur qui avant de l’ouvrir n’avait que des idées sans doute fondées mais probablement peu complètes sur cette période et ces acteurs. Il trouvera matière abondante et clairement exposée à renouveler et à approfondir ses connaissances. Car peu nombreux sont en français les ouvrages récents qui traitent de ces horizons finalement pas si lointains.