La menace mondiale de l'idéologie wahhabite : aux origines du terrorisme qui frappe la France

Recension rédigée par Jean Martin


Cet ouvrage regroupe une quinzaine de communications présentées (et parfois enrichies depuis lors) au colloque qui s’est tenu à Paris en janvier 2017 sous l’égide du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). A vrai dire, les activités de ce centre, fondation privée indépendante (les organisateurs parlent de Think tank) nous étaient peu familières jusqu’à présent. Le but de ce colloque était de faire connaître à l’opinion française le rôle joué par l’Arabie saoudite dans la propagation de l’idéologie salafiste wahhabite et dans le financement de l’action terroriste qui embrase au premier chef le Moyen-Orient et d’autres régions du monde.

Force nous est de considérer que le lecteur reste un peu sur sa faim. Il glanera sans doute, çà et là, quelques informations intéressantes et restées méconnues, mais plusieurs communications ne font qu’enfoncer des portes ouvertes, apportant peu d’éléments nouveaux. Il serait opportun de rappeler à certains intervenants que si tous les wahhabites appartiennent au courant salafiste, tous les salafistes ne se réclament pas du wahhabisme. Plusieurs communications ne semblent pas avoir été relues avec toute l’attention souhaitable notamment sur le plan orthographique. Le style reste trop souvent journalistique.

Dans une première partie « un régime fondé sur une idéologie archaïque et sectaire » nous avons lu, non sans intérêt, la communication de Majeed Nehme, journaliste, intitulée « Le wahhabisme contre l’islam » et celle de Hedy Belhassine qui s’efforce-non sans peine-de discerner le vrai visage de l’Arabie Saoudite. Alain Rodier étudie la politique anti-chi’ite du gouvernement saoudien et détaille les sanglantes persécutions qui s’abattent sur cette communauté dans le royaume mais l’hypothèse d’une guerre frontale avec l’Iran lui semble exclue, la population persane ayant trop souffert de l’embargo pour que le gouvernement des mollahs puisque prendre le risque de lui demander de nouveaux sacrifices et de lui infliger de nouvelles privations.

Une deuxième partie regroupe trois communications consacrées à la diffusion du fondamentalisme de la haine (sic). Julie Descarpentrie (Cf2R) spécialiste du subcontinent indien, étudie l’islamisme (sic) en Inde et au Pakistan depuis le XIX siècle. On trouve de judicieuses observations sur le clan Gandhi en Inde et le clan Bhutto au Pakistan. L’auteure nous donne une énumération des divers mouvements revivalistes qui ont pris naissance dans le subcontinent mais il ne nous est guère possible de la suivre quand elle affirme, (p.65) sur la foi de renseignements provenant de la d.s.t. que la plupart des jeunes salafistes européens seraient issus du Tabligh. Nul n’ignore que le tabligh, mouvement de réislamisation, est foncièrement apolitique et qu’il dispose de peu de moyens financiers. Son influence ne doit pas être surestimée. La prison est bien connue pour être est la meilleure école de terrorisme qui soit et le meilleur centre de recrutement. De petits délinquants (« dealers » ou autres) souvent sans aucune culture religieuse y sont endoctrinés par leurs codétenus qui les incitent à se venger d’une société dans laquelle ils ont été marginalisés.

Laurence Aïda Ammour (expert en sécurité, Washington DC) nous entretient de la wahhabisation de l’islam en Afrique Noire. Le rôle des ONG islamiques dans la diffusion de la propagande est bien mis en lumière ainsi que l’endoctrinement des étudiants africains à l’étranger mais l’action humanitaire de la fondation Agha Khan pourrait être mentionnée et les pourcentages de musulmans dans la population des Etats africains donnés en annexe (pp.109-111) mériteraient d’être revus à la hausse dans plusieurs cas, notamment ceux, du Bénin, de la Côte d’Ivoire et de la République Centrafricaine.

Pierre Conesa, (ministère de la Défense) donne quelques éclairages sur les ramifications des lobbies saoudiens en Occident, notamment en France et aux Etats Unis.

Des sept communications regroupées dans les troisième et quatrième parties, il importe de recommander la lecture de celle du Dr Farhan Zahid (Pakistan) sur l’implication de l’Arabie Saoudite dans l’arabisation des mouvements jihadistes dans ce pays et de celle d’Abderrahmane Mekkaoui (Rabat) qui se pose la question de savoir si l’Arabie Saoudite est victime ou génitrice du terrorisme. Il constate que le gouvernement de Ryad a fait quelques efforts pour limiter les progrès du fanatisme en licenciant des imams extrémistes et en établissant une censure des réseaux sociaux. Quelle sera l’efficacité de ces mesures ?

Dans sa conclusion, Eric Denecé, directeur du  Cf2R et coordinateur du colloque, dénonce la criminelle complicité de l’Occident dans des alliances contre nature. Tout ceci n’est que trop vrai mais il n’est pas exact d’affirmer comme le fait la p.4 de couverture que « Pour la première fois en France, des experts dénoncent ouvertement l’influence néfaste de l’idéologie wahhabite » Celle-ci était déjà dénoncée bien avant le colloque de 2017.  Faut-il rappeler qu’il y a quelques mois, un imam wahhabite koweitien est venu en toute impunité prêcher à la mosquée de Trappes. Mais les chercheurs spécialistes français du renseignement en étaient-ils informés ?