Richesse et croissance au Moyen âge : Orient et Occident

Recension rédigée par Henri Marchal


            Plusieurs médiévistes se sont associés pour remettre de l’économie dans l’histoire médiévale de l’Orient et de l’Occident et caractériser les tendances actuelles de la spécialité. Dans un climat d’enrichissement mutuel des disciplines sollicitées par la quête du passé, le thème monétaire affirme sa présence dynamique pour apprécier la richesse et la croissance au Moyen âge. Onze contributions mettent l’accent sur l’instrument monétaire qui joue le rôle d’agent totalisateur dans les nouvelles approches de l’économie médiévale par l’effet de ses fonctions multiples. La monnaie a l’aptitude d’être à la fois une mesure de valeurs, un moyen privilégié de réserve et une réponse à la demande de marchés différenciés. L’évolution politique de l’Orient byzantin et de l’Occident chrétien démontre des rapports évidents avec la production monétaire et les prélèvements que les Etats occidentaux commencent à systématiser à partir du XIIIe siècle. Un ordre géographique préside à la succession des textes qui se rapportent respectivement au monde byzantin, à l’Italie, à l’Espagne et à la France.

            Byzance a longtemps été marginalisée par la recherche qui met en évidence dans son monde un degré de développement supérieur à celui du monde carolingien où la monnaie circule moins. La Sicile byzantine bénéficie d’une expansion économique soutenue par une économie monétaire complexe et décline avec la perte de ses débouchés traditionnels.

            A la fin du XIIIe siècle, les deux Italies, celle du nord et celle du sud, vivent en symbiose mais entretiennent des rapports inégaux. La monnaie différencie l’Italie méridionale du reste de la péninsule. La Toscane s’engage dans une dynamique de mobilisation de la richesse produite pour réunir au service du pouvoir de vastes sommes d’argent. L’émergence d’hommes d’affaires constitue un signe majeur du développement économique à partir du XIIe siècle. La croissance économique tend au Mezzogiorno à effacer les strates politico-culturelles du peuplement.

            Dans les rapports de la Gaule carolingienne et d’al-Andalus, le clivage politique et religieux n’interdit pas les échanges qui prennent de l’ampleur à partir de l’an mil. Un
agro-écosystème irrigué façonne le paysage en al-Andalus.

            En France, les artisanats spécifiques réalisés au cœur des résidences seigneuriales s’étiolent au fil du temps et profitent aux industries urbaines. Une économie monastique du don se déploie sur fond de circulation monétaire. En gestionnaires avisés du don, les établissements monastiques restent soumis à des stratégies de marchés. La dette se situe au cœur des transformations de l’économie féodale. Le discours anti-usuraire de l’Eglise cherche à distinguer les bonnes méthodes des mauvaises manières de gagner des richesses. En montagne, les sociétés alpines s’efforcent de s’accommoder du relief et du climat en jouant des ressources combinées de l’agriculture permanente et de l’agriculture temporaire.

            Différentes lignes transversales d’intérêt nourrissent la discussion. C’est le thème des frontières et des espaces périphériques. On assiste à des phénomènes de transfert de groupes humains ou de technologies créatrices (notamment en hydraulique et occupation du sol).

            Certes l’économie médiévale ne connaît pas de ces révolutions techniques qui seront le moteur de la croissance à partir du XVIIIe siècle. Mais, il faut lui reconnaître, face aux contraintes géographiques et aux aléas de la conjoncture, une immense faculté d’adaptation.

            Honoré par une postface du maître Pierre Toubert, ce recueil renouvelle le regard sur une discipline en pleine réanimation par des analyses variées et fécondes.