Femme médecin en Algérie : journal de Dorothée Chellier, 1895-1899

Recension rédigée par Miloud Belkaïd


            Première femme médecin en Algérie, Dorothée née en Algérie et officier de santé de l’Ecole de Médecine d’Alger en 1887 va oser s’aventurer dans les coins les plus reculés du pays et ce avec des moyens toujours faibles mais avec des idées à la fois immenses et simples mais pas toujours faciles à faire admettre.

            Comment nier que ses idées avant-gardistes dans une colonie où ne manque pas un certain état d’esprit, ont pu faire d’elle « une pionnière » !

            L’historienne Claire Fredj a permis de mieux la connaitre.

            Difficile de résumer en quelques phrases toute l’aventure de Dorothée car il s’agit bien d’une « aventure » : Médecin femme, franc-maçonne partant à la découverte de régions mal connues de l’Algérie, effectuant des missions dans le pays avec quelques fois l’appui mais plus souvent les « réticences » tant de l’administration que d’une certaine population, et ce pour mieux soigner les « indigènes » après avoir mieux connu leurs pratiques médicales (obstétricales en particulier) tout en essayant de faire changer les mentalités, toutes les mentalités y compris celles de ceux dont le devoir était d’améliorer la santé des populations.

            On n’est pas étonné de voir Dorothée se transformer en ethnographe et même en anthropologue !

            Ses missions  (au nombre de quatre et plus ou moins longues, effectuées souvent sur de longues distances et toujours physiquement éprouvantes) seront résumées par des rapports que présente et développe très judicieusement Claire Fredj. On y retrouve toute la volonté et la pugnacité pour changer les choses (en particulier la situation de la femme « indigène » dans le domaine de la santé).

            Son credo : soigner les « indigènes » généralement dans un « gourbi » comme centre d’examen, développer et améliorer les pratiques obstétricales « indigènes », refuser les idées communément admises que les femmes « indigènes » seraient réfractaires à l’assistance médicale, démontrer « l’extraordinaire influence de ces femmes dans leur milieu, instruire les matrones indigènes tout en formant des sages-femmes « indigènes », mettre un bémol à l’action d’évangélisation prônée par les sœurs blanches qui, dès lors, ne lui rendront pas les choses faciles…

            La tâche est ardue, les déceptions nombreuses mais peut-on dire que Dorothée a échoué ? Nous ne le pensons pas puisque, des années après la fin de sa carrière, ses idées ont refait surface petit à petit pour devenir de nos jours une évidence.

            D’ailleurs, dès 1895, le gouverneur Louis Binn avait trouvé les mots qu’il fallait pour parler de Dorothée : « Une fois de plus, la femme aura rempli son rôle dans l’humanité. C’est elle qui donne naissance à l’enfant, l’allaite et dirige ses premiers pas. C’est à elle qu’il appartient de guider les débuts d’une colonie naissante ».

            Comment ne pas être reconnaissant à Claire Fredj de nous avoir fait découvrir cette femme, cette grande Dame !