La fondation de Libreville : une lecture nouvelle à partir d'une théorie géopolitique

Recension rédigée par Philippe David


            L’auteur, un géographe qui se réclame, comme son préfacier, de « l’école gabonaise de géosciences politiques », signe, après dix ans de recherches, un « ouvrage novateur et original (qui) sonne une rupture épistémologique dans la méthodologie interprétative de l’histoire de Libreville comme espace matriciel du territoire du Gabon ». Mais encore ?  Surpris d’emblée par une telle emphase, le lecteur apprend du même coup que la fondation de Libreville va lui être contée selon les cinq étapes de la “ théorie du champ unifié ”, alias “ chaîne intégrée ” d’un certain Stephen B. Jones, géographe américain maintes fois cité par la suite et encore en p. 146.

            Au moins peut-on revivre avec intérêt les rivalités des maisons de commerce et des missions religieuses européennes et américaines dans l’Estuaire du Gabon jusqu’à l’affirmation définitive de la suprématie française. Mais l’extrême fractionnement géographique et humain d’autrefois dans cette petite région est d’autant plus difficile à maîtriser qu’aucune carte ne vient l’éclairer, sinon le gribouillis de la p. 101.

            Passionnant ensuite le récit que fait l’auteur de la capture par les Français, en mai 1846, au large de Loango, du trois-mâts brésilien Elizia, du transfert des quelques
260 esclaves de sa cargaison à Gorée puis de l’installation finale au Gabon, en 1849, des 52 survivants. C’est alors la naissance, surprenante et originale, de Libreville en tant que
“ commune ” de 52 habitants conçue et aménagée sous les tropiques pour de libres citoyens par la République française elle-même. Mais ce rappel historique nous est livré là encore sans plan ni carte ni révélations nouvelles et le recours de notre géographe à la fameuse théorie de Jones demeure parfaitement oiseux. Enfin, son dernier chapitre, qui ne fait qu’énumérer très vite les nombreuses explorations de l’hinterland gabonais entre 1845 et 1875 puis résumer les trois missions de Brazza jusqu’à la fondation, en avril 1891, du Congo français, n’apporte rien  qu’on ne sache déjà.

            Autre négligence : si l’iconographie  est intéressante,  elle ne s’accompagne jamais des véritables dates et références d’époque. Ainsi l’image de la page 87 attribuée par l’auteur à un certain J. E. Mbot dans un ouvrage récent de 1977 provient en réalité du voyage de Marche, Maillard et Coffinières de Nordeck en 1875-1877 pourtant cité en bibliographie.

            Voilà donc un ouvrage non seulement prétentieux, bâclé, et prétendument innovateur mais qui, de surcroît, accumule presqu’à chaque page d’innombrables fautes de style, de vocabulaire, d’orthographe, de répétition et de ponctuation.