La Méditerranée, conquête, puissance, déclin

Recension rédigée par Jean Nemo


D’après de bonnes informations, parce que soigneusement recoupées, en tout état de cause confirmées en début de l’ouvrage sous revue, celui-ci est une reprise sous forme peu différente, mais « revue et augmentée », d’un précédent ouvrage de 2009, « Le rêve méditerranéen d’Ulysse à Nicolas Sarkozy ».

Les préoccupations méditerranéennes de l’auteur figurent parmi beaucoup d’autres. Son impressionnante bibliographie va des livres illustrés pour enfants aux questions migratoires, à l’islam, il a participé à des évaluations de la coopération française au développement…

On ne peut pas ne pas mentionner que dans tous ces domaines, il a fait et continue de faire l’objet de bien des controverses. Ses engagements sociaux, voire politiques, sont très discutés. Ces remarques vis-à-vis de cet auteur sont sans doute de peu d’importance pour la lecture de l’ouvrage sous revue, elles méritaient d’être faites car elles le situent forcément dans un plus vaste ensemble et l’on verra dans l’analyse qui suit qu’elles permettent d’expliquer certaines façons de voir les choses.

L’ouvrage lui-même, en dix-sept chapitres, tous intitulés « rêve », à l’exception d’un seul, couvre l’Antiquité. Il passe par les rêves à propos de la Méditerranée elle-même, les navigations, les lieux dangereux (de Charybde en Scylla), les ouragans et autres pirateries, les matériels utilisés au fil des siècles. Il va jusqu’aux rêves sarkozien, en passant par des rêves romains, du Bas-Empire, barbaresques, arabes, coloniaux, islamistes, migratoires…

Il est question des périples d’Ulysse dont il n’est pas besoin de rappeler que, selon l’Odyssée, il parcourut en dix ans la Méditerranée, de l’est à l’ouest et du nord au sud.

Bref, des rêves incompatibles entre eux. Sauf l’exception de la Méditerranée romaine, ces rêves furent toujours en contradiction. Comme il est dit dans une postface sous la signature de l’héroïne de cet essai, « Je suis la Méditerranée rebelle, indomptable et irréconciliable et irréconciliable. Celui qui en doute, je l’envoie par le fond. Et c’est mon dernier mot. ».

Mais si l’on remonte à l’avant-propos de l’auteur, celui-ci se défend de vouloir réécrire du Braudel, « qu’on veuille aussi voir dans cet ouvrage un devoir de mémoire à l’égard de tous ceux qui ont cru pouvoir soumettre à leur loi toutes les provinces de cet Empire ».

Vouloir synthétiser en à peine trois-cent-cinquante pages des millénaires de « rêves » et leur rendre hommage est un pari risqué, plus important que celui d’un « Que sais-je ? » auquel cette collection ne s’est jamais risquée.

Ce d’autant plus que les sous-thèmes de ces différents « rêves » donnent nécessairement lieu à des choix. Cela importe peu lorsqu’il est procédé à l’analyse de « rêves » anciens. C’est beaucoup plus risqué lorsque ces « rêves » sont contemporains, tels les derniers chapitres, le « rêve » sarkozien d’Union pour la Méditerranée, ceux des « rêves » islamistes ou migratoires. Dans ce dernier cas, on peut relever des bases d’informations démographiques, voire journalistiques, qui prêtent à tout le moins à discussion. Par exemple, dans un sous-chapitre prônant les aides au développement et au retour, il s’agit de notions et de mesures concrètes qui jusqu’ici n’ont jamais fait leurs preuves. Mais il s’agit bien entendu du jugement, lui-même sujet à critique, du rédacteur de la présente note de lecture qui a longtemps traité concrètement de ce type de dossier…

On reconnaîtra volontiers à l’auteur un style agréable à lire, on pourra regretter l’absence de tout appareil critique, sauf quelques rares notes de bas de page qui citent des sources bibliographiques.